Après le cinéma, un hommage du Cirque du Soleil et une adaptation symphonique par l’Orchestre symphonique de Montréal, l’œuvre des Cowboys Fringants connaîtra une nouvelle déclinaison, cette fois sous la forme d’une comédie musicale qui s’inspirera de leur répertoire, mais dans laquelle ils ne joueront pas.

La pièce sera présentée au Grand Théâtre de Québec en novembre, puis au Théâtre Maisonneuve à Montréal en décembre, dans le créneau qui a été occupé pendant des années par le spectacle Décembre de Québec Issime. Pour l’instant, la direction de la Place des Arts ne confirme pas si cela sera récurrent.

Les Cowboys Fringants se sont associés à la troupe de cirque Les 7 Doigts pour la création de Pub Royal, qui est aussi le titre d’une des chansons des Cowboys. Une dizaine de créateurs travaillent sur cette comédie musicale qui réunira vingt artistes, soit sept acteurs-chanteurs, sept danseurs et six acrobates.

« Nous sommes partis des chansons pour raconter une histoire dans laquelle on fera vivre les personnages de l’univers des Cowboys Fringants », a expliqué mercredi le metteur en scène des 7 Doigts Sébastien Soldevila lors d’une conférence de presse fort courue, signe du pouvoir d’attraction toujours très fort du quatuor de Repentigny.

Pub Royal sera un huis clos qui se déroulera donc… au Pub Royal, un bar situé dans un lieu isolé – la chanson se passe d’ailleurs à Chibougamau. « Après un accident de voiture, un homme entrera dans ce bar et sa vie prendra un sens différent », résume Sébastien Soldevila, qui a utilisé une bonne dizaine de chansons existantes des Cowboys pour tisser la trame de la pièce, mais qui a aussi demandé à l’auteur attitré du groupe depuis 25 ans, Jean-François Pauzé, d’en écrire de nouvelles.

Ce dernier avoue être « sorti de ses pantoufles de Cowboy » pour entrer dans l’univers de la comédie musicale, qu’il connaît moins. Et il ne l’a pas regretté. « Avant la première réunion, j’étais pas mal dubitatif. Et en sortant… encore plus ! Ça s’est bâti au fil du temps. Je suis en train de finaliser l’écriture des chansons supplémentaires, et ça m’emballe de façon incroyable, comme mes collègues. »

Nouvelle perspective

Lancé pendant la pandémie, ce projet est tombé à point pour Jean-François Pauzé. Surtout que les Cowboys sont en ce moment au ralenti « pour les raisons qu’on connaît », précise-t-il.

Le chanteur Karl Tremblay a en effet annoncé en juillet dernier être atteint d’un cancer de la prostate, qui lui a été diagnostiqué en janvier 2020. Il vient aussi de commencer un nouveau traitement, ce qui n’empêche pas les Cowboys de donner des spectacles, mais beaucoup moins qu’avant la pandémie, précise Jean-François Pauzé.

« D’habitude, on donne deux concerts par semaine, là, c’est plus deux par mois. Mais la machine Cowboys va reprendre cet été plus intensément avec les festivals. On devrait en faire une douzaine. »

Karl Tremblay et la multi-instrumentiste Marie-Annick Lépine n’étaient pas présents à la conférence de presse mercredi, mais le bassiste Jérôme Dupras était là pour représenter le groupe, qui recevra par ailleurs une Médaille d’honneur de l’Assemblée nationale du Québec le 8 mai.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Jean-François Pauzé et Jérôme Dupras, des Cowboys Fringants

Ce qui nous a séduits au début, c’est quand Sébastien nous a dit : ‟on va faire une anti-comédie musicale”. Avec une autre équipe et une approche de la comédie musicale plus classique, on aurait été plus frileux. Mais là, avec l’arrimage avec Les 7 Doigts, c’est un peu punk, on déconstruit les codes, ça nous ressemble plus.

Jérôme Dupras, bassiste des Cowboys Fringants

Les Cowboys Fringants sont sur le point d’entrer en studio pour enregistrer la trame sonore qui accompagnera les interprètes pendant le spectacle, les nouvelles comme les vieilles chansons. « On doit un peu changer les structures, les tonalités », explique Jérôme Dupras.

Le groupe sera donc le « band » du spectacle… sans monter sur scène. Reste que les Cowboys, c’est aussi une des voix les plus incarnées et reconnaissables de la musique québécoise, celle de Karl Tremblay, et que de faire chanter ces chansons par d’autres interprètes représente un défi.

« Ce sera justement ça le plaisir, donner une deuxième vie à ces chansons, répond Jean-François Pauzé. J’étais à une première répétition la semaine dernière. Je ne m’attendais pas à grand-chose, et j’ai trouvé ça scotchant. C’est tellement quelque chose de nouveau, entendre ces chansons qui ne sont pas chantées par l’interprète Karl. »

« C’est une autre perspective sur le même univers », complète Jérôme Dupras.

Arrimage

Sébastien Soldevila sait très bien que Karl est un « chanteur extraordinaire », et que d’arriver après lui met de la pression sur les interprètes. Tout comme il était conscient que de s’attaquer à un répertoire aussi connu comportait son lot d’écueils.

« Je ne suis pas arrivé là avec mes gros sabots. Il fallait chercher, écouter, poser des questions, être ouvert. Pourquoi ça a marché ? Parce que Jean-François, Olivier Kemeid [l’auteur des dialogues] et moi, on a laissé notre égo de côté et on a travaillé ensemble pour que ça fonctionne. »

Le Cirque du Soleil avait déjà concocté un hommage aux Cowboys Fringants il y a quelques années, dans un spectacle qui avait été présenté à l’amphithéâtre Cogeco de Trois-Rivières. La proposition des 7 Doigts est différente, assure Sébastien Soldevila, « avec le chant et l’histoire comme axes principaux ». « Il n’y a aucune chanson dans ce spectacle qui n’a pas sa raison d’être, on n’est pas là juste pour faire un numéro sur une chanson. » Et comment s’inscrit l’univers circassien dans tout ça ?

« On a déjà trois gros numéros de montés et vous allez voir que les acrobates ont leur place. Comme on n’a pas utilisé les danseurs comme un chœur de ballet. Ils sont intégrés à l’histoire, et le vrai travail est de créer une symbiose. »

Après les escales à Québec et à Montréal, Pub Royal s’envolera pour l’Europe francophone, où les Cowboys fringants connaissent beaucoup de succès. Le but n’est pas de partir en tournée pour dix ans, dit le metteur en scène, mais d’aller dans quelques grandes villes comme Paris ou Lyon.

« Il n’y a pas beaucoup de créations de comédies musicales québécoises. La dernière, vous chercherez, ça fait longtemps… Moi j’ai vu Starmania tout petit, et ça a changé ma vie. Alors nous, on est fiers d’être les porte-parole de ce talent. Je suis fier d’être le capitaine de ça. »

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