C'est la pièce de théâtre la plus chère de l'histoire de Broadway, industrie reconnue pour ses excès, mais aussi pour ses flops. Heureusement pour les artisans de Harry Potter and the Cursed Child, la magie opère... littéralement. Après des dépenses de 68 millions, les critiques sont dithyrambiques et la pièce est en lice pour 10 Tony Awards. La Presse a assisté au spectacle de l'heure.

« Comment ont-ils fait ? » « Mais qu'est-ce que j'ai vu ? »

Impossible d'émerger de cinq heures et demie de représentation - oui, cinq heures et demie - sans être médusé par les illusions déployées pour faire vivre l'univers de Harry Potter sur les planches.

Les acteurs volent sans l'ombre d'un fil. Ils se métamorphosent l'un en l'autre. Quand les personnages voyagent dans le temps, l'air semble osciller, un peu comme l'effet qui se produit lorsqu'on jette une pierre dans l'eau.

La pièce est continuellement ponctuée de « oh », de « ah » et de « wow » du public, composé presque exclusivement... d'adultes.

Présentée au Lyric Theatre depuis le 22 avril, l'oeuvre attire surtout les 25 à 40 ans, cette génération qui a grandi en dévorant la saga de l'auteure J.K. Rowling. Pourtant, aux entractes, on se croirait au sein d'un groupe d'enfants avant une tempête de neige. Les quelque 1600 spectateurs sont à ce point excités.

Sans être ringards, les tours de magie volent la vedette dans Harry Potter and The Cursed Child.

« Je pense que la pièce de théâtre utilise l'art de l'illusion de la manière la plus organique que j'ai pu voir sur Broadway », a affirmé à La Presse Ben Brantley, critique de théâtre en chef du New York Times depuis 1996. « C'est certainement innovant à cet égard », dit celui qui juge que l'oeuvre mérite le Tony de la meilleure pièce de théâtre.

HARRY POTTER : PÈRE EN CRISE

Même si la pièce est présentée dans un théâtre de Broadway, il ne s'agit pas d'un musical. Pour être plus digeste, l'oeuvre est scindée en deux parties, qu'il est possible de voir la même journée avec quelques heures de pause ou deux jours de suite.

L'histoire reprend 19 ans après la fin du septième et ultime tome du feuilleton littéraire. Le sorcier de 37 ans est désormais père de trois enfants et fonctionnaire surmené au ministère de la Magie, dirigé par son ancienne camarade Hermione Granger. Cette dernière est mariée à Ron Weasley, avec qui elle a eu une fille, tandis que Potter a épousé la soeur de Ron, Ginny.

La pièce commence alors que les parents regardent leurs enfants prendre place à bord du train qui les mènera à l'école de sorcellerie Poudlard.

Le récit, scénarisé par Jack Thorne d'après une histoire de J.K. Rowling, tourne autour de la relation trouble entre Harry Potter et son fils Albus. Ce dernier n'a visiblement pas hérité des talents de magicien de son père. Il s'est aussi lié d'amitié avec Scorpius, le fils du rival d'enfance de Harry Potter, Draco Malfoy.

Pour en savoir plus, vous aurez du mal à trouver des divulgâcheurs sur le web : une habile campagne de distribution de macarons à la fin de la représentation demande aux spectateurs de « garder les secrets » de la pièce.

UN FUTUR FANTÔME DE L'OPÉRA ?

Avec 2,1 millions de recettes engrangées en une seule semaine, la pièce a déjà fracassé un record au box-office. Elle a cependant nécessité des investissements gigantesques. Selon le New York Times, 10 millions ont été dépensés pour la rénovation complète du théâtre, tandis que 23 millions ont été allongés pour en expulser le spectacle Paramour du Cirque du Soleil.

La franchise Harry Potter est-elle un gage de succès ? « Il n'y a pas de pari sûr sur Broadway », souligne Ben Brantley.

« Ce projet était intimidant vu la férocité et la vigilance des fans de Harry Potter, mais la pièce semble avoir passé le test de la fidélité à l'univers de Rowling, alors je peux l'imaginer être à l'affiche indéfiniment. » - Ben Brantley, critique de théâtre en chef du New York Times

« Mais aucun spectacle n'est à l'abri ; une crise économique peut mettre en péril n'importe quel spectacle à fort prix », ajoute Ben Brantley.

Jonathon Rosenthal, qui préside depuis 12 ans un fan-club new-yorkais de 3400 amateurs de Harry Potter, confirme que la pièce a conquis les fans. « J'ai été complètement soufflé ! Et j'avais des attentes négatives ! La plupart des gens qui ont lu le script l'ont trouvé absolument horrible, mais lorsque j'ai vu la pièce exécutée sur scène, grâce au jeu des acteurs et aux effets spéciaux, c'était absolument formidable ! »

Photo Manuel Harlan, fournie par la production

Le récit de Harry Potter and the Cursed Child tourne autour de la relation trouble entre Harry Potter (Jamie Parker) et son fils Albus (Sam Clemmett).