La dramaturge et metteure en scène Angela Konrad nous invite à un colloque intitulé Les robots font-ils l'amour ?. Une rencontre avec de faux universitaires, mais où se posent de très sérieuses questions sur l'avenir de l'humanité.

L'INTRODUCTION

L'immortalité, un conjoint robot, des utérus artificiels, des bébés sans mère... Le transhumanisme est à nos portes. Angela Konrad s'en inquiète dans Les robots font-ils l'amour ?

« Le transhumanisme est un point aveugle. On oeuvre dans un angle mort qui, dans très peu de temps, va exploser. On peut ne pas vouloir le voir. C'est anxiogène de savoir qu'il y aura des utérus artificiels comme dans le film The Matrix ou qu'on reprogrammera une cellule de la peau pour en faire des spermatozoïdes et des ovules. »

La dramaturge et metteure en scène avoue qu'elle était, jusqu'à récemment, ignorante de ce courant de pensée qui prône l'amélioration de l'espèce humaine par les technosciences.

« J'avais envie de transmettre certaines connaissances parce qu'on est plusieurs à ignorer ce qui s'annonce comme l'une des plus grandes révolutions humaines. Le monde est de plus en plus complexe. On a tous peur de souffrir et de mourir. Ça touche à des choses extrêmement sensibles chez l'humain. On préfère croire qu'il s'agit de fiction, mais tout ça est du domaine du possible. »

LA THÈSE

Et quoi de mieux qu'un colloque universitaire pour faire la lumière sur ces questions ? Comme sa pièce Auditions ou Me, Myself and I traitait des coulisses du théâtre, Les robots font-ils l'amour ? creuse derrière l'image savante des professeurs d'université.

« On est dans un dispositif de colloque. On commence par des notions clés pour montrer l'état de la recherche. Le contenu transmis dans la pièce est véridique. On entre ensuite dans le loufoque qui est généré par les débats contradictoires entre eux. »

Tous les acteurs ont lu le livre de Jean-Michel Besnier et Laurent Alexandre qui a inspiré Angela Konrad, mais aussi des textes reliés à chacune de leurs « spécialités ».

« La question de la mort et de l'immortalité est troublante pour les acteurs et pour moi. On est face à des découvertes scientifiques qui ébranlent tout ce que nous connaissions jusqu'à maintenant. Comme le dit un personnage : tout ce qui est techniquement réalisable doit être réalisé, quoi qu'il en coûte éthiquement. Face à ça, on se dit : où sont les frontières, les limites ? On n'est pas loin de la folie et de la psychose, d'une certaine manière. »

L'ANTITHÈSE

Pour contrer le discours des transhumanistes qui cherchent à tuer la mort, Angela Konrad s'est aussi inspirée d'un manifeste d'opposants qui se disent « chimpanzés du futur ».

« Ils dénoncent les grands de ce monde - Google, Amazon, Facebook et Apple - qui, selon eux, organisent des forums qui récupèrent l'avis de la population, alors que les recherches à coups de milliards sont déjà préprogrammées. »

Angela Konrad croit que le théâtre peut aider le public à prendre position sur les technosciences. Il ne s'agit pas d'être seulement pour ou contre le progrès.

« Pour moi, le théâtre n'a pas la fonction de renvoyer toujours au constat d'une violence et du dysfonctionnement social. J'ai aussi envie d'être cohérente face à mon inscription à l'université et dans la création théâtrale contemporaine. La figure de l'intellectuel est assez absente de la dramaturgie québécoise. »

LA CONCLUSION

Au-delà de ces débats scientifiques où s'entrechoquent les ego, la dramaturge a voulu rêver de poésie. Le poète et romancier Rainer Maria Rilke s'immisce dans la pièce.

« J'avais besoin de tisser du romantisme allemand dans la pièce. Fondamentalement, la question qui les préoccupe tous, c'est l'humain. Ils ne peuvent pas ne pas se révéler avec toute leur vulnérabilité. Je m'intéresse à ce qu'il y a derrière la façade. Rilke, c'est notre condition de mortels, et la mort, c'est la seule chose qui les réunit. »

À l'Usine C, du 27 février au 10 mars. En marge de la pièce, deux rencontres-débats (Réalités en transmutation, 10 mars, et Corps en transmutation, 14 avril) sont organisées au Café de l'Usine C.

LA BIBLIOGRAPHIE

Laurent Alexandre et Jean-Michel Besnier. Les robots font-ils l'amour ? Le transhumanisme en 12 questions. Dunod, 144 pages, 2016.

Manifeste des chimpanzés du futur contre le transhumanisme. Du collectif pièces et main-d'oeuvre, Service compris, 348 pages, 2017.

Rilke, Rainer Maria. Le livre de la pauvreté et de la mort. Arfuyen, 36 pages, 1992.

Image fournie par Dunod

Les robots font-ils l'amour ? Le transhumanisme en 12 questions

Angela Konrad