Toutes les semaines, La Presse échange avec un artisan d'une pièce de théâtre d'été. Aujourd'hui, conversation avec Luc Guérin au café Roberto. L'acteur est l'une des têtes d'affiche, avec ses amis Benoît Brière et Martin Drainville, de la pièce Les trois ténors de Ken Ludwig, présentée au Théâtre du Vieux-Terrebonne.

Vous êtes plus du genre gelato que popsicle?

Oui, oui, oui! Surtout maintenant que je suis en train d'apprendre à en faire un peu. J'ai toujours aimé la crème glacée. J'en mange à l'année, mais c'est vrai que c'est un symbole d'été, un symbole de vacances. C'est connecté directement sur le bonheur, je trouve.

Est-ce que l'été est synonyme de travail pour un acteur comme vous?

Oui. Je suis sorti de l'École nationale en 1984 et je crois que depuis, il y a à peine trois étés où je n'ai pas fait de théâtre, parce que je faisais un film ou une série. Sinon, j'ai toujours joué. Mais pour moi, si l'été est symbole de travail, c'est une forme de santé aussi. Parce qu'on gagne notre vie dans quelque chose qu'on a toujours eu envie de faire. Bien sûr, j'ai aussi des tournages d'Unité 9 l'été, alors ça veut dire que certaines journées, je tourne et je me dépêche d'aller jouer au théâtre le soir. Mais je n'ai jamais regretté mes choix et il y a du bonheur là-dedans parce que j'aime beaucoup mon travail. Ce n'est pas une corvée, je n'ai pas l'impression de perdre mon été. Il y a une magie qui vient avec l'été, parce que c'est fragile, éphémère. J'ai l'impression que ça me donne beaucoup d'énergie.

Particulièrement au Québec, notre été est tellement court!

Tous les sens sont en alerte. Je trouve aussi que l'été est un moment privilégié dans l'esprit des gens et un moment de rencontre au théâtre. Ce n'est pas comme en saison. Les gens viennent avec une espèce de dégagement, c'est palpable et festif déjà avant le spectacle.

Comment expliquez-vous la popularité du Théâtre du Vieux-Terrebonne?

Il s'est passé quelque chose il y a quelques années, quand Montréal a rapatrié le divertissement en été avec les festivals. Ce que je trouve fabuleux, mais ça a forcé les autres autour, dans la ceinture, à élever le standard. C'était notre objectif, à Benoît Brière, Martin Drainville et moi, de faire du théâtre d'été qui soit du même standard qu'à l'année. Et on appelle ce théâtre «la Place des Arts en été», car c'est une très belle salle qui a gagné 10 fois le Félix de la salle de l'année, je crois. La rivière passe, les gens arrivent tôt pour profiter de ça et nous, on joue à la pétanque entre deux shows. C'est un plaisir et pourquoi j'y suis depuis cinq ans avec Martin et Benoît.

Parlez-moi de la pièce Les trois ténors.

Elle a été écrite par Ken Ludwig, qui a écrit il y a 10 ans la pièce Ténor recherché, et qui arrive avec cette deuxième proposition où certains personnages sont restés. Mais pas besoin d'avoir vu la première pièce pour comprendre. On est en 1936 à Paris, et un producteur québécois, joué par Martin Drainville, va produire le plus grand concert du siècle, Les trois ténors - clin d'oeil à Pavarotti, Domingo et Carreras. On est à quelques heures de l'ouverture du rideau, on attend le grand chanteur (que je joue). Colérique, gros ego, dans un couple amour-haine, pas sur le déclin mais il vit une crise existentielle parce qu'il est confronté par un jeune ténor qui monte, joué par Carl Poliquin. Il y aura une chicane, un ténor qui ne veut pas faire le concert, alors ils sont dans le trouble. Il y aura une course contre la montre et, sans vendre le punch, je joue deux personnages. Il y a aussi une ancienne flamme russe jouée par Catherine Sénart, ma fille qui est en amour avec mon compétiteur... Ludwig est très fort dans la structure de la comédie, et ça fonctionne très bien.

Ça signifie que vous devez chanter de l'opéra?

On a eu peur à un moment donné, parce que ça s'appelle Les trois ténors, que les gens pensent que c'est une comédie musicale. Mais c'est d'abord une comédie dans laquelle il faut chanter. Depuis janvier, je travaille avec un professeur, on fait un extrait de La Traviata, je me suis tapé O Sole Mio... Il faut être très audacieux et fanfaron pour accepter de jouer ça. Mais j'ai travaillé fort et les gens trouvent qu'on y arrive! On a une explosion dans la salle après chaque pièce qu'on interprète. On rit et on est transporté musicalement.

On vous a beaucoup vu dans la comédie, mais le drame vous va très bien aussi, si on pense à vos rôles dans Willie ou Unité 9.

J'ai eu peur à un moment donné d'être cantonné. Il y a eu Les Boys, c'est fantastique, mais c'est un sceau très fort. Quand est arrivé Willie, ça a changé le regard des gens. Après, il y a eu Virginie, Trauma et maintenant Unité 9, et aussi Intouchables au théâtre. Les gens me permettent aujourd'hui d'être sur les deux registres. Ils aiment cette polyvalence. Comme interprète et créateur, je ne m'ennuie jamais. Mon personnage dans Unité 9 a changé ma vie, parce que j'entre dans les maisons avec quelque chose de différent et qui connecte à où je suis rendu dans ma vie. Ce personnage me permet d'exploiter la compassion. On reçoit beaucoup d'amour dans ce métier, mais ce métier-là me permet aussi beaucoup d'en donner.

Dans cette pièce, vous travaillez avec votre conjointe, Catherine Sénart. Vous êtes certains, donc, de passer l'été ensemble!

C'est fabuleux. J'avoue que j'ai travaillé beaucoup dans ma vie, je ne comptais pas les heures et je m'absentais beaucoup, et je trouvais ça déchirant. Alors cette année, je suis l'homme le plus heureux de la planète. Je travaille avec ma bien-aimée. On dit toujours qu'on a fait le virage vert: deux acteurs, une voiture. On n'échange pas nos maquillages et c'est tout juste! Je l'ai toujours trouvée très bonne et là, je suis très proche pour le constater.

Visitez le site du Théâtre du Vieux-Terrebonne: http://theatreduvieuxterrebonne.com/fr/details-spectacle?showUrlTitle=theatre-en-ete-2017&representation=3791540-201707062000