Après Vrais mondes: documentaires scéniques il y a deux ans, Émile Proulx-Cloutier et Anaïs Barbeau-Lavalette récidivent avec Pôle Sud à l'invitation de Geoffrey Gaquère, d'Espace libre.

Le trait d'union. C'est simple, court, mais fort utile. Il y a un trait d'union dans Centre-Sud, où la cinéaste-romancière Anaïs Barbeau-Lavalette et le comédien-chanteur Émile Proulx-Cloutier tracent des liens de circonstance entre un quartier et son théâtre. 

Avec Pôle Sud: documentaires scéniques, le couple met en lumière les témoignages de huit personnes qui ont rarement connu le versant éblouissant de la vie.

«C'est comme si on allait dans la bulle de quelqu'un pendant quelques instants. J'ai une profonde admiration pour les personnes dont on parle dans le spectacle. Je ne suis pas sûr que j'aurais pu passer au travers de ce qu'ils ont vécu», lance Émile Proulx-Cloutier.

«On est dans la curiosité et l'amour de ces personnes, ajoute Anaïs Barbeau-Lavalette. C'est sûr que certains ont eu des vies incroyables. On ne les regarde pas de haut. C'est fait avec humilité. Je crois que le spectacle est à l'image du quartier.»

Leur démarche comprend d'abord une véritable quête de «chercheur d'or» parmi les habitants du quartier. Ensuite, des interviews documentaires sont menées par la cinéaste. Enfin, une bande sonore est montée avec les différents témoignages de vie. 

Quotidien

Sur scène, les personnes interviewées seront présentes, non pas pour jouer la bande-son, mais pour simplement faire des gestes de leur quotidien, au travail ou à la maison. 

«À la base, il y a ma fascination pour la voix humaine sans la pression de la durée ou de l'image, note le comédien. Il arrive que la voix se détende en entrevue, et c'est là qu'apparaissent des perles langagières. Il y a moyen de faire de ces perles du théâtre. C'est toujours surprenant, ce que ça donne.» 

«Le résultat est bouleversant. Mais c'est aussi très drôle. Il y a quelque chose d'inédit, puisqu'on est devant la puissance d'un récit de vie qui te renverse. C'est une expérience qui ne se compare à rien», explique Anaïs Barbeau-Lavalette.

Le couple cherche aussi à créer une complicité entre ces acteurs du quotidien et les spectateurs habitués aux professionnels du théâtre. 

«Si on enlève l'acteur de la donne, ce n'est plus un show de théâtre, mais du documentaire scénique, une forme hybride. Au son, c'est du cinéma, et le langage scénique s'occupe de l'image», explique Émile.

Anaïs Barbeau-Lavalette les accompagne toutefois sur scène dans un rôle effacé d'intervieweuse.

«Ils vivent une sorte d'abandon à leur propre voix. Le travail sonore fait en sorte de les envelopper dans un cocon sonore dans le but de les protéger, parce qu'il faut dire qu'ils exposent un aspect de leur vie», explique le metteur en scène.

Respect

La démarche du duo se veut en tout point respectueuse de cette présence unique en scène de gens qui n'ont jamais eu de formation théâtrale. Travail délicat, s'il en est, qui ne cherche à aucun moment à créer le malaise. 

À la différence de la première mouture, intitulée Vrais mondes, cette expérience documentaire scénique se fait cette fois avec un fil conducteur, qui est le quartier Centre-Sud. 

«Les gens du quartier pourront voir sur scène quelque chose qui parle d'eux. Je crois que la pièce peut avoir un impact sur la population», dit Anaïs.

«Et sur nous, poursuit son cocréateur. Parfois, dans le verbe, je reçois des leçons d'acteur dans leur façon de dire les choses. Ça élargit la dimension de ce qu'est un personnage pour moi. Ça m'amène ailleurs comme créateur. La vraie vie est originale.» 

Aussi, conclut Anaïs, «chaque soir, le spectacle est différent. Ils se prêtent généreusement à quelque chose qu'ils n'avaient jamais imaginé faire. Ils embrassent ce qu'ils vivent, avec leur entrevue, de façon consciente. Je trouve ça super beau».

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À Espace libre du 10 au 21 mai.