Le premier spectacle solo de Robert Lepage, Vinci, créé il y a 30 ans au Quat'Sous, est repris à Québec depuis le début du mois dans une toute nouvelle mise en scène de Frédéric Dubois. À la veille d'une tournée québécoise qui débute ce soir à Longueuil, La Presse fait le point avec le metteur en scène de Québec qui s'est lancé dans l'arène.

Q Vinci est présenté depuis le 8 septembre au Périscope de Québec avec Olivier Normand dans le rôle principal. Êtes-vous satisfait du résultat?

R Je suis très content, oui. On a eu la chance de répéter dans le décor pendant plusieurs semaines, ce qui a été très bénéfique, d'autant plus que le décor et les éclairages sont des composants essentiels dans ce spectacle. Le résultat est probant. On a réussi à proposer un autre Vinci, qui correspond à notre vision.

Q Avez-vous eu l'entière liberté d'adapter le texte à votre convenance?

R Oui. Nous étions complètement libres. On a rencontré Robert Lepage une fois. C'était sa seule condition. Il voulait nous parler de la genèse du projet. Il avait été personnellement bouleversé par la mort accidentelle d'un ami musicien [Bernard Bonnier] qui avait participé à la tournée de sa pièce Circulations.

Q Robert Lepage a-t-il vu la pièce?

R Il ne l'a pas encore vue, parce qu'il joue son spectacle 887 à Paris en ce moment [solo qui sera présenté au TNM à partir du 16 avril prochain], mais il y a plusieurs personnes d'Ex Machina, comme sa soeur et certains de ses collaborateurs, qui ont suivi le processus de création, qui sont venus voir la pièce et qui étaient très contents du résultat.

Q Avez-vous respecté la trame narrative d'origine?

R Absolument. Au fond, c'est l'histoire d'un artiste chamboulé par la disparition d'un ami qui était son mentor. Un homme angoissé, en perte de repères, qui ne sait plus ce qu'il veut et qui décide de partir en Europe pour se retrouver. En suivant les traces de Léonard de Vinci en Italie. J'ai d'ailleurs moi aussi fait le voyage à Vinci, comme Robert l'avait fait, justement pour poursuivre sa réflexion.

Q Qu'avez-vous fait pour rendre la pièce actuelle?

R On connaît le travail de Robert : c'est un travail qui s'écrit en même temps qu'il s'improvise. Il y avait une captation et le texte d'une représentation, c'est tout. Par exemple, il y avait une scène où c'était simplement écrit : « Philippe est à la National Gallery de Londres. » On avait donc la possibilité de mettre notre griffe, d'ajouter du texte et de mettre à jour certaines informations.

Q Comment expliquez-vous l'intérêt de Robert Lepage pour de Vinci?

R Léonard de Vinci était un grand humaniste. Un homme aussi très cultivé, qui était à la fois peintre, sculpteur, architecte, philosophe, et qui étudiait plus qu'il ne créait. Pourtant, c'était un artiste angoissé. Un homme qui avait de la difficulté à trouver sa place. Robert a bien documenté son histoire. Donc, pour le personnage de Philippe, artiste photographe en quête de sens, c'était un parallèle intéressant.

Q Quelle a été la plus grande difficulté dans l'adaptation de ce scénario?

R Ç'a été de laisser notre trace. Mais une fois dans le décor, j'ai eu l'impression de travailler ce texte comme n'importe quel Tchekhov ou Tremblay. Il ne fallait pas qu'on se sente complexés, même si on ne voulait pas dénaturer son oeuvre. Trente ans après leur création, je crois qu'il est important qu'une nouvelle génération de créateurs s'approprie ces oeuvres-là et les raconte à sa manière.

Q Vous êtes le premier à adapter un texte de Robert Lepage. Il est donc possible de perpétuer son oeuvre?

R Absolument. La preuve, c'est qu'on vient de le faire. Je pense que son oeuvre est assez riche et dense pour être reprise. Même si ses scénographies et ses mises en scène sont très visuelles, Robert raconte d'abord et avant tout des histoires, avec des personnages et des situations. Parfois, il faut se casser la tête pour trouver le moyen de les mettre en scène, mais ses trames narratives sont claires.

Au Théâtre de la Ville de Longueuil, jusqu'au 2 octobre, dans le cadre d'une tournée québécoise