Claude Poissant a ramené d'Avignon la pièce Rendez-vous gare de l'Est pour ouvrir la saison de la salle Fred-Barry. Une pièce touchante au sujet d'une jeune Parisienne souffrant de bipolarité, une maladie qui pourrait être celle de la société moderne, finalement. Son auteur et metteur en scène, Guillaume Vincent, nous a accordé une entrevue téléphonique.

L'unique personnage de votre pièce parle en détail de la vie de la protagoniste avec son mari, de sa maladie et de ses nombreux séjours en institution psychiatrique. Est-ce qu'on peut parler de théâtre documentaire dans ce cas?

La démarche était documentaire au départ. Je voulais travailler sur la parole parlée. Le texte est issu d'interviews que j'ai menées pendant six mois avec une jeune femme bipolaire. Après, il y a eu un énorme travail de montage pour donner du sens au texte. C'est plus un portrait très réaliste a priori, mais il est aussi, en partie, décalé.

Comment avez-vous traité ce sujet dans le travail de mise en scène puisque tout se déroule dans la tête de cette personne qui s'exprime sans aucun filtre?

La scène est dénudée. Nous avons décidé de faire «comme si c'était vrai». Nous avons choisi un éclairage fort au début, comme si cette femme s'adressait au public. Puis, la lumière s'estompe au fur et à mesure. Les spectateurs sont davantage pris à partie par ses confidences, alors qu'on ne savait pas à qui elle s'adressait au début.

C'est une approche particulière pour un sujet des plus particuliers, non?

Dans mon parcours, c'est une pièce différente des autres. C'est la première fois que j'aborde le monologue. J'ai plutôt l'habitude des mises en scène baroques. Là, nous sommes avec une pièce quasi spartiate. J'ai enlevé le plus possible les effets et les artifices.

Ce solo doit aussi représenter un travail intéressant mais exigeant pour la comédienne Émilie Incerti Formentini [finaliste pour un prix Molière au printemps en France]?

Oui. Elle doit embrasser toutes les émotions. Elle pleure, se fâche et passe du coq à l'âne.

Ce n'est pas évident, mais le plus grand défi pour Émilie, c'est la confrontation avec le public en jouant avec la sensibilité si exacerbée de son personnage.

Comment les spectateurs réagissent-ils?

Cela diffère beaucoup. Certaines salles rigolent énormément. Puis, il y en a d'autres où l'on entendrait une mouche voler.

Même si la thématique est centrale, ce n'est pourtant pas une pièce au sujet de la maladie mentale.

Cela passe au second plan. C'est la vie quotidienne de cette personne qui prime. Je ne suis pas médecin; il fallait que j'aborde autrement cette question qui reste d'une complexité incroyable. D'autant plus que les spectateurs sont tous touchés différemment par ce sujet très sensible.

Je ne prends pas position; je ne juge pas, par exemple, les gens qui prennent des antidépresseurs. Je crois que la pièce parle d'un malaise contemporain. Nous sommes face à des gens qui vont mal parce que la société va mal.

À la salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier du 8 au 26 septembre.