Grand incontournable du répertoire classique, le Cyrano de Bergerac du TNM, associé à Juste pour rire, est à la hauteur de la pièce présentée pour la dernière fois en 1996 à Montréal par la même compagnie. Un remarquable coup d'éclat du duo Denoncourt-Robitaille.

On calcule souvent la grandeur d'une interprétation - au théâtre, à l'opéra ou même en musique - aux passages les plus difficiles, les plus exigeants de l'oeuvre en question. Disons-le tout de go, Patrice Robitaille remporte la bataille haut la main en Cyrano, ce Gascon fier, mais blessé. Lors des monologues exigeants des troisième et dernier actes, entre autres, le comédien brille.

Robitaille vibre d'un mal intérieur profond et nous atteint au coeur dans ces passages où, caché dans l'ombre, puis mourant, perturbé, mais toujours avec «panache», il déclare son amour à Roxane. Cyrano représente le rôle d'une vie, dit-on souvent. On se remémorera Patrice Robitaille longtemps pour cette performance étincelante dans ce rôle aussi physique qu'intellectuel.

En 1996, le Cyrano de Guy Nadon, dirigé par Alice Ronfard, l'était tout autant, émouvant aussi, quoique différemment. On se souvient surtout de son interprétation pour l'éclatante supériorité de l'intelligence du personnage. Avec Robitaille, ce n'est pas tant la ruse qui triomphe que la douloureuse balafre, comme «péninsule» au milieu du visage de ce poète qui dira: «j'aime qu'on me haïsse».



Pertinent Denoncourt

En ce sens, le Cyrano du metteur en scène Serge Denoncourt est une pièce plus sombre que celle d'Alice Ronfard, présentée à la salle Pierre-Mercure - en raison de travaux au TNM. La musique de Philip Pinsky, juste quoique sans brillance, nous l'annonce dès le départ. Ce Cyrano montrera sa part de drame, même si toutes les tirades comiques sont bien rendues et font beaucoup rire, comme il se doit.

La mise en scène de Serge Denoncourt est claire et pertinente. Elle se rapproche d'un véritable «spectacle total», dans le sens de toujours juste, que ce soit dans ses moments de rire ou d'émotion. Le moindre effet théâtral est finement ciselé dans le détail tel que le fait si souvent ce travailleur infatigable qu'est Serge Denoncourt.

Amoureux en secret de sa cousine Roxane, Cyrano, son Cyrano, souffre silencieusement tout en amusant la galerie. Il jouit aussi, mais davantage en faisant de l'esprit et en évoquant de grands auteurs: Corneille, Molière et Shakespeare, Cervantès.

L'inavouable amour de la bête pour la belle se transformera en combat d'escrime, en brume épaisse et en scène de combat pétaradante. Certes serti de rires fins grâce aux savoureux alexandrins d'Edmond Rostand, il s'agit d'un spectacle à grand déploiement où l'on ne s'ennuie pas, malgré la longueur du texte (1600 vers) et un départ un peu lent.

Décors et éclairages réussis

L'habituel complice du metteur en scène aux décors, Guillaume Lord, se surpasse encore une fois avec une impressionnante structure en bois, éclairée par de vraies bougies, qui peut autant servir de taverne, de résidence de Roxane ou d'une rue de village. Les éclairages d'Étienne Boucher sont tout aussi éblouissants, notamment au début du quatrième acte.

En Roxane, Magalie Lépine-Blondeau démontre sa grande polyvalence. Elle passe avec une formidable aisance d'ingénue à amoureuse à personnage tragique lorsqu'elle comprend, enfin, que son réel amoureux n'est nul autre que Cyrano, et non Christian.

Dans ce rôle ingrat de beau benêt qu'est justement Christian, François-Xavier Dufour est convaincant. Tout comme les Luc Bourgeois (Le Bret), Annette Garant (La duègne et soeur Claire) et Gabriel Sabourin (comte de Guiche) dans les rôles de soutien.

Cette comédie romantique est à ne pas manquer.

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Au TNM jusqu'au 23 août.