Chester Hebner, qui repose au cimetière militaire canadien de Bény-sur-Mer, en Normandie, était un artilleur au sein de l'Artillerie royale canadienne lorsqu'il a été tué le 11 juillet 1944 au cours de la bataille de Normandie.

Seuls ses descendants se souviendraient de lui si Julia Mackey n'avait pas remarqué une petite feuille d'érable de papier déposée contre sa pierre tombale, le 5 juin 2004.

Julia Mackey n'a jamais rencontré Chester Hebner - elle est née 23 ans après la mort de l'artilleur. Mais la dramaturge de Colombie-Britannique a incorporé des éléments de la vie d'Hebner dans une pièce en un acte, jouée près de 700 fois au Canada - et aussi loin qu'à Birmingham, en Angleterre.

Intitulée Le cadeau de Jake, la pièce a été traduite en français. Mme Mackey, une Montréalaise d'origine, la présentera mercredi prochain, le 11 juin, à Bernières-sur-Mer, un petit village qui était situé dans le secteur canadien du Débarquement.

La pièce, d'une durée de 90 minutes, raconte l'histoire de Jake, un vétéran du Jour-J qui revient en Normandie en 2004 pour visiter la tombe de son frère Chester. Il rencontrera Isabelle, une Française espiègle âgée de 10 ans, avec qui il se liera d'amitié.

L'auteure interprète les quatre personnages de la pièce: Jake, Isabelle, la tante d'Isabelle et une enseignante canadienne nommée Susan.

«Il y a vraiment une enseignante nommée Susan qui est venue assister aux cérémonies du 60e anniversaire (du Débarquement) à Bernières-sur-Mer. Ses élèves avaient collé sur leur photo des feuilles d'érable de papier confectionnées à la main en y ajoutant une note de remerciements pour les vétérans», dit Mme Mackey.

Une de ses petites feuilles d'érable avait attiré le regard de l'auteure: celle d'un élève nommé Danny Brown qui avait été déposée sur la tombe de Chester Hebner. «Le message de Danny était le suivant: «Je crois que vous êtes quelqu'un de formidable pour avoir contribué à faire du Canada un pays paisible. «Je me souviens»» (cette dernière phrase était en français).

De retour au pays, elle a retrouvé l'enseignante qui lui a parlé du projet réalisé par les élèves. Le message du petit Danny a mis en perspective le périple normand de la dramaturge.

Mme Mackey se souvient d'un atelier théâtral auquel elle avait participé il y a plusieurs années à Vancouver. «J'avais alors créé l'histoire de trois frères dont deux avaient combattu pendant la Seconde Guerre mondiale. Le troisième, Jake, éprouvait un sentiment de culpabilité parce que ses genoux en mauvais état l'avaient empêché de se rendre outre-mer.»

Cette idée ne l'a jamais quittée. À l'automne 2003, un reportage télévisé sur les commémorations marquant le 60e anniversaire du Débarquement l'a convaincue de se rendre assister à la cérémonie sur Juno Beach, et d'interviewer des vétérans afin de donner une voix juste à ses personnages.

«Une fois cela fait, Jake est devenu réel. Il est alors devenu un vétéran qui avait survécu à la guerre et revenait (en Normandie) 60 ans plus tard pour visiter la tombe de son frère, pour la première fois.»

La pièce a été récompensée à de nombreuses reprises, obtenant, entre autres, un prix de la Légion royale canadienne en 2009.

Mais pour Julia, l'amitié établie avec de nombreux vétérans depuis la première de sa pièce en 2007 est la marque de reconnaissance qu'elle préfère. «J'ai rencontré des vétérans merveilleux. Ceux qui ont servi pendant la Seconde Guerre mondiale m'ont dit que je leur avais rappelé de nombreux souvenirs, bons et mauvais. lls ont vraiment apprécié ce que je fais.»

Mme Mackey jouera sa pièce pendant tout le mois de juillet à Gananoque, en Ontario.