Fable poétique sur la survie, L'architecture de la paix donne lieu à un dialogue intéressant entre deux femmes de théâtre d'expérience, entre le beau texte d'Évelyne de la Chenelière et la mise en scène assurée de Paula de Vasconcelos.

Quatre personnages - deux couples - tracent les contours d'une catastrophe inconnue, personnelle ou - qui sait? - planétaire. Dans cet espace où « on ne sait plus qui est notre ennemi », on apprend que « tant de choses sont mortes ».

Aussi, « quand tout se meurt, la survivance est un fardeau ». Heureusement, il y a l'autre, le désir, l'amour, une nouvelle naissance, même si OEdipe s'en mêle: un complexe inversé où le père, aveuglé par la catastrophe, tue, enfin peut-être, le fils...

La reconstruction ne sera donc pas facile puisqu'humaine. Il faudra ramper, pleurer, souffrir à nouveau. Imaginer l'amour sans tabou. Se rappeler aussi, mais le moins possible. Est-ce bien cela, vivre

La musique, ce personnage

Le dialogue entre la dramaturge et la metteure en scène devient ainsi dichotomique. En plongeant dans la « noireté » et en ressortissant dans la fête, peut-on vraiment outrepasser le mal qu'on a fait, le mal qu'on s'est fait, semble dire l'une à l'autre, nous laissant avec un message parfois confus.

La scénographie est simple, dénudée, offrant un lieu où tous les drames peuvent se jouer, toutes les douleurs, se vivre.

Les chorégraphies se marient parfaitement au texte, l'expliquant, le vivifiant. La musique, également, surgit comme un cinquième personnage important dans la pièce.

La distribution est excellente. Pascale Montpetit, Daniel Parent, Philippe Thibault-Denis et Ana Brandao jouent, dansent et, dans le cas de la comédienne portugaise, chante cette partition exigeante.

Certains procédés alourdissent toutefois le propos: le jeu au sol ne peut être vu que dans les toutes premières rangées; les trop nombreuses traductions en portugais; en plus de quelques problèmes de sono, jeudi soir.

Ce récit se termine dans la lumière. Elle est ici espoir, mais aussi lucidité. Évelyne de la Chenelière semble croire qu'à partir du langage, la survie et la reconstruction sont possibles. Paula de Vasconcelos met en doute la solidité du nouvel édifice devant l'absurdité de gestes répétés à l'infini et l'accélération d'un monde incertain.

Les coauteures nous laissent avec Sisyphe au sommet de la montagne en un fragile point de « déséquilibre harmonieux ». Mais la chute est là, invitante, presque.

Après un passé absurde, à vider et à remplir bêtement les heures, demandent-elles, valait-il la peine d'aborder l'avenir en faisant à nouveau rouler la pierre jusqu'en haut? Au spectateur de décider.

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À Espace GO jusqu'au 22 mars.