Avec Ligne de bus, la comédienne Marilyn Perreault, du Théâtre I.N.K., signe sa troisième pièce. Un suspense qui part d'un fait divers créé de toutes pièces: l'explosion d'un autobus de ville, qu'elle a décidé de mettre en scène avec des comédiens-acrobates.

Le théâtre de Marilyn Perreault se nourrit constamment de l'actualité. Sa pièce Roche, papier, couteau, créée il y a six ans, abordait le thème du déracinement avec ses cinq jeunes passagers clandestins trouvés dans des conteneurs, coincés entre deux villages: Advitam et Ternam.

Dans Britannicus Now, présentée l'automne dernier, l'auteure et comédienne a brillamment transposé la tragédie de Racine dans une école secondaire, en pensant au meurtre de la jeune Reena Virk, intimidée puis tuée par un groupe de filles de son école à Victoria, en 1997.

Conversations d'autobus

Lignedebus est inspirée des bribes de conversations que Marilyn Perreault a captées dans l'autobus ou en métro. «C'est à force de me promener en autobus, en écoutant les gens parler, que je me suis dit qu'il y avait là plein de débuts de pièces», a-t-elle dit à La Presse.

À un moment donné, pendant que les gens parlaient au téléphone ou discutaient entre eux, elle s'est mise à prendre des notes.

«J'ai retranscrit des bouts de conversations pendant un an et demi. C'est comme ça que j'ai construit mes personnages.»

Durant cette période, Marilyn a également interviewé une quinzaine d'immigrants rencontrés dans des centres de francisation. «Pour savoir ce qu'ils pensaient des transports en commun ici, par rapport à leur pays d'origine.» Pour rendre compte aussi de cette diversité montréalaise, bien visible dans nos transports en commun.

Alors, qu'avaient-ils à dire? «On m'a raconté plein d'histoires, répond l'auteure. On m'a parlé entre autres des files à l'indienne. Un Camerounais m'a dit que c'était morbide dans le métro parce que personne ne se parlait. Tout le monde se parle dans les transports collectifs là-bas. Même si les gens ne se connaissent pas...»

De fil en aiguille, Marilyn Perreault a imaginé ce fait divers: un autobus de ville explose avec à son bord une trentaine de passagers. Une enquête est ouverte. Menée par une coroner, qu'elle interprétera elle-même. Qu'est-ce qui s'est passé? Qui a planifié cette explosion? Pourquoi?

Grâce aux caméras de surveillance, mais aussi aux vidéos prises par des citoyens - que l'on verra sur scène sous forme de projections -, l'énigme s'éclaircira. Sans jamais être tout à fait résolue.

Une immense carcasse d'autobus occupera toute la scène des Écuries. Marilyn Perreault y ressuscitera les occupants du bus. Petit à petit, elle sortira ses personnages de l'anonymat. À mesure qu'on apprendra à connaître les victimes (qui se révoltent contre cet anonymat), les circonstances de l'accident se préciseront...

Le chauffeur du bus, une serveuse, deux étudiants, dont un jeune Arabe, une infirmière: tous les personnages se présenteront directement au public. Ils deviendront pour nous Henry, Rachel, Tom, Jimmy et Daniela. Et c'est leur histoire que Marilyn nous racontera.

Les médias sociaux

«Quand j'ai commencé à écrire ma pièce, les passagers n'étaient pas morts, indique Marilyn Perreault. Je voulais simplement témoigner de ces personnages que j'avais créés. Mais l'explosion m'a permis d'écrire un suspense.»

«Je voulais aussi parler de la réactivité des réseaux sociaux lorsque des événements arrivent, ajoute-t-elle. Comme à L'Isle-Verte ou lors de l'explosion à Boston. Avant l'arrivée des journalistes sur les lieux d'un drame, il y a déjà plein d'information que les gens font circuler; les faits ne sont pas toujours vérifiés.»

Dès ses débuts, Marilyn Perreault a fait du théâtre acrobatique avec le DynamO Théâtre. Une expérience qui a teinté les performances de ses acteurs (notamment dans Britannicus Now). Pour la première fois, elle a voulu combiner les théâtres traditionnel et acrobatique.

La comédienne et dramaturge a fait une longue recherche acrobatique avec des artistes de cirque, notamment la contorsionniste Laurence Racine. «Je me suis rendu compte que les exploits acrobatiques étaient trop distrayants. On n'entendait plus le texte...»

Sans renoncer à son projet, Marilyn Perreault a trouvé un équilibre entre le mouvement et la parole. La carcasse d'autobus s'est vite transformée en appareil de gymnastique, avec ses barres transversales et verticales.

On verra sur scène un artiste de cirque, Hugues Sarra-Bournet, dans le rôle du chauffeur de bus Henry; une danseuse-comédienne originaire de Halifax, Victoria Diamond, ainsi que les comédiens: Hubert Lemire, Annie Ranger, Victor Andrés Trelles Turgeon et Nora Guerch.

«Il était important pour moi de travailler avec des comédiens de la relève, mais aussi avec des comédiens issus de l'immigration. Victor est d'origine péruvienne et Nora est originaire du Maroc. Je voulais que mes personnages reflètent la diversité culturelle à Montréal, qu'on ne voit pas souvent sur nos scènes.»

Du 4 au 22 février au Théâtre Aux Écuries.