Le metteur en scène français Hubert Colas est de retour à Montréal pour nous présenter une trilogie de Martin Crimp: Face au mur. Une oeuvre décapante qui décrit trois états de crise de notre monde contemporain avec une dérision tout anglaise.

En 2012, à l'invitation de la directrice artistique de l'Usine C, Danièle de Fontenay, Hubert Colas a présenté sa pièce Kolik. Une performance solo écrite par l'Allemand Rainald Goetz, qui prend la forme d'une longue confession où un homme vide les verres tout en criant sa révolte.

L'accueil enthousiaste du public montréalais a incité l'homme de théâtre établi à Marseille à revenir.

«Ç'a été une belle rencontre pour moi, nous dit le metteur en scène. C'était la première fois que je venais à Montréal. J'ai aimé le contact avec les artistes que j'ai rencontrés; j'ai senti une curiosité et une écoute à l'égard de mon travail. Avec Danièle, on a eu envie de continuer à travailler ensemble.»

Lorsque Danièle de Fontenay lui a demandé ce qu'il pourrait présenter, Hubert Colas a tout de suite pensé au dramaturge anglais Martin Crimp, dont il a créé la trilogie Face au mur, en 2006. En fait, Crimp avait écrit deux courtes formes, Face au mur et Tout va mieux. Le troisième volet, Ciel bleu ciel, a été écrit à la demande d'Hubert Colas.

«J'ai adoré les deux premiers textes, mais je trouvais que c'était un peu court pour faire un spectacle entier. C'est moi qui lui ai demandé de faire un troisième texte. Martin a donc écrit Ciel bleu ciel pour clore la série. Et Face au mur est devenu le nom générique de la trilogie.»

Histoire d'un couple

Le hasard a fait que Martin Crimp a décidé de commencer sa trilogie par ce dernier volet, qui s'intéresse à l'histoire d'un couple.

«Martin Crimp décrit cet état de crise comme le «contentement de soi», précise Hubert Colas. Dans ce cas, la jeune fille mariée très jeune reste confinée dans son état. La crise est révélée par une voix intérieure qui lui indique que cet état de contentement est aussi une forme de renoncement. Comme si elle oubliait une partie de qui elle était...»

La deuxième crise, Face au mur, est davantage d'ordre politique, résume Hubert Colas. Crimp y parle d'une crise de l'irraisonné.

«Crimp s'interroge sur les mécanismes qui font qu'un individu, à un moment donné dans la société, par rapport à ce qu'il a vécu dans sa vie, d'un seul coup, va tuer et agir en assassin, notamment dans un lieu public. Crimp cherche les raisons qui poussent certaines personnes à exécuter ces projets.»

Le troisième volet, Tout va mieux, clôt la trilogie non pas sur une note d'espoir, comme le titre pourrait le laisser croire, mais une note d'humour noir.

«Dans cette dernière partie, les nantis, ceux qui ont le plus de moyens et qui sont les mieux protégés dans la société, se révoltent contre les pauvres et les laissés-pour-compte, de manière à ce qu'ils disparaissent. Il y a un humour mordant et incisif, typiquement anglais, estime Hubert Colas. C'est très satirique.»

Il y a un fil rouge dans les trois pièces de Crimp, qui passe par le regard d'un enfant. Il s'agit du cinquième personnage de la pièce.

«À un moment donné, les adultes rencontrent le regard d'un enfant et s'interrogent sur leur rapport au monde et aux émotions, nous dit le metteur en scène. Comme pour prendre conscience de leur innocence perdue.»

Improvisation

Pas de quatrième mur dans ces pièces de Martin Crimp, où les acteurs s'adressent directement au public.

«Dans cette trilogie, Crimp renonce à la notion de personnages et met l'écriture au-devant de la narration en éliminant l'identité de ceux qui parlent. Dans ce biais-là, il crée un rapport où l'écriture, au moment de la représentation, semble en train de se faire. Comme si les acteurs étaient en improvisation.»

La scénographie est éminemment visuelle. Les cinq interprètes se promenant sur scène en costume, dans une mer de ballons gonflables.

«À partir de situations critiques, Crimp arrive à entrer dans une zone d'humour et de décalage. Pour convoquer cette écriture, j'ai voulu représenter sur scène ce côté ludique et festif, avec cette mer de ballons à la fois paisible et dangereuse. Comme si tout pouvait arriver à tout moment.»

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À l'Usine C, du 23 au 25 janvier.