Pendant 12 mois, sept journalistes des Arts vont suivre sept jeunes artistes fraîchement sortis de l'école, et vous donner de leurs nouvelles tous les mois. Voici le premier de sept portraits.

Pour Kim Despatis, chaque rendez-vous professionnel est une première fois. Sa première scène sur les planches aux côtés de Benoît McGinnis. Sa première pièce de Michel Tremblay. Son premier rôle au TNM - dans Le balcon, du 5 au 30 novembre. Et maintenant, sa première grande entrevue avec un journaliste.

Dans ce dernier cas, le journaliste va la suivre durant un an... Ça aussi, c'est une première!

Rien ne prédisposait la belle blonde aux yeux bleus... «avec beaucoup de caractère» à épouser le métier des Luce Guilbeault, Denise Pelletier et Hélène Loiselle, ces actrices immortelles du théâtre québécois. Mère technicienne en pose d'ongles, père plombier. Élevée à Saint-Eustache dans une famille reconstituée avec deux frères, un demi-frère et une demi-soeur, Kim est une élève modèle qui récolte de très bonnes notes au primaire et au secondaire.

Lorsqu'elle choisit l'option théâtre au collège Lionel-Groulx, à Sainte-Thérèse, ses parents l'encouragent tout de go. Mais à 17 ans, elle est jeune et inexpérimentée pour ressortir du lot. Elle sera remerciée du programme au bout d'une année. Un échec qui ne fait que la rendre encore plus déterminée.

Elle retourne deux ans plus tard, cette fois à l'École nationale de théâtre. Et là, c'est le déclic. Elle est dans la ligne de mire de professeurs qui ont pour nom Claude Poissant, Catherine Gadouas et Pierre Bernard, son mentor. «Pierre a été la première personne qui m'a vraiment donné confiance. Il m'a convaincue que j'étais à la bonne place», dit-elle.

Le rendez-vous avec Nina

À la fin de ses études, la directrice Denise Guilbault prévient Kim: «L'École, c'est comme une première marche... Après, tu dois monter le grand escalier...» Et la deuxième marche est haute! Kim Despatis veut s'inscrire aux auditions du Quat'Sous. Mais quelle scène présenter?

Pierre Bernard lui propose alors de jouer la dernière scène de La mouette; l'une des plus belles du répertoire, dans laquelle Nina, jeune actrice exilée, revoit Treplev, auteur raté et amoureux d'elle. Kim craint de ne pas être à la hauteur. Bernard insiste: «On va travailler la scène ensemble.»

«Au théâtre, si un acteur est accompagné par le bon metteur en scène, il peut tout faire», estime Despatis. Joint à Paris, Pierre Bernard parle avec enthousiasme de son ancienne élève. «Kim est une comédienne formidable. C'est une interprète mature, inventive et d'un potentiel majuscule!»

Dans La mouette de Tchekhov, Nina dit, entre autres: «L'essentiel dans ce métier n'est ni la gloire ni l'éclat, tout ce dont je rêvais: l'essentiel, c'est de savoir endurer.»

En pièces détachées...

La troisième marche est encore plus haute. Ce métier, il faut pouvoir en vivre. Dans une classe de l'École, par exemple, deux ou trois interprètes par année vont travailler régulièrement comme interprète. Or, acteur ou pas, il y a les dettes d'études à rembourser, les factures à payer, le loyer, etc.

Toutefois, Kim s'estime «choyée et chanceuse». À l'été 2011, elle a fait la tournée de La Roulotte dans les parcs montréalais. Ensuite, elle a joué dans trois importantes créations québécoises d'affilée, en plus de décrocher une pub (de la SAAQ), ce qui lui a permis de ne pas avoir à trouver du travail hors du métier.

«Je veux toucher à tout, dit-elle. Jouer du grand répertoire, mais aussi des téléséries, des films. Je veux continuer de faire des créations et de l'improvisation [elle fait partie de la Ligue d'improvisation montréalaise].»

«J'ai envie de durer dans ce métier afin de pouvoir, un jour, devenir comme mes mentors, les Monique Spaziani, Guy Nadon, Céline Bonnier. Des interprètes qui sont aussi des modèles pour moi. Car, je ne pense pas qu'on puisse séparer la personne de l'actrice.»

Ah oui! Kim Despatis est aussi auteure. Elle a écrit Trois fois passera..., pièce sur une famille éclatée qui tente de se réconcilier.

«À 17 ans, j'ai perdu une bonne amie dans un accident. Je me suis demandé ce que je pouvais faire pour la rendre immortelle. Alors, j'ai écrit une histoire pour lui créer un petit monument à travers le personnage principal de ma pièce.»

L'instrument d'une actrice, c'est aussi son âme. Et Kim Despatis sait la faire vibrer au diapason de son coeur.

Qui est Kim Despatis?

> Âge : 26 ans

> Profession: comédienne

> Faits marquants : promotion 2011 de l'École nationale de théâtre du Canada. Kim a joué dans Contre le temps de Geneviève Billette (Théâtre d'Aujourd'hui, 2011), Robin et Marion d'Étienne Lepage (Théâtre d'Aujourd'hui, 2012) et L'oratorio de Noël de Michel Tremblay (Chez Duceppe, 2012).