Plus de 340 ans après sa publication, la tragédie de Jean Racine, Britannicus, continue de faire couler beaucoup d'encre...

Là où Steve Gagnon (dont la pièce En dessous de vos corps... est présentement à l'affiche à La Licorne) a été pris de vertige par la recherche d'absolu et de sublime de l'empereur Néron, l'auteure et comédienne Marilyn Perreault y a vu une formidable démonstration d'abus de pouvoir et d'intimidation.

Elle a toute de suite pensé au meurtre de la jeune Reena Virk, intimidée, tabassée, puis noyée par un groupe de filles de son école, à Victoria, en 1997. On pourrait croire le lien ténu entre ces deux tragédies. Mais non, Marilyn Perreault transpose brillamment l'esprit de la tragédie de Racine dans une école secondaire privée d'aujourd'hui.

Dès la première scène, l'auteure de Roche, papier, couteau met la table. Il y a deux clans dans ce collège de filles: celui des jupes, portées par les filles cool, et celui des pantalons, représenté par les moches. Le personnage de Delphine est le leader des jupes. Tandis que Britanny est le souffre-douleur des pantalons...

Les filles doivent monter la pièce de Racine dans le cadre de leur cours de théâtre. Rien n'a été laissé au hasard, chaque personnage trouvant son équivalent dans la cour des grands.

Manipulation et intimidation

Delphine y incarne le personnage de Néron. Tyrannique comme l'empereur, qui finit par empoisonner son demi-frère Britannicus. C'est elle qui fait la pluie et le beau temps dans son école. Elle qui manipule les filles autour d'elle pour faire sa loi. Dans ce rôle, Érika Tremblay-Roy est remarquable. Pareil pour Marie-Pier Labrecque.

Britanny, qui se fait appeler «la chose» par ses intimidatrices, y interprète le rôle de Britannicus (très juste Ariane Bisson McLernon). La jeune fille trouve refuge et réconfort dans les alexandrins de Racine. Elle espère enfin se faire valoir auprès de ses camarades de classe en y jouant «le rôle de sa vie». Tout le monde reconnaîtra quelqu'un dans ce personnage.

Marilyn Perreault a construit la tragédie de Britanny à la manière d'un suspense, assemblant chacune des pièces du puzzle à mesure que progresse l'enquête policière sur les circonstances de sa mort, à la fin de la représentation de la pièce. Elle-même y interprète le personnage de Justine, qui est aussi la narratrice de Britannicus Now.

Cette Justine, qui est le miroir de Junie, l'amoureuse de Britannicus, que Néron cherchera à séduire et à écarter de Britannicus.

La mise en scène de Lilie Bergeron est parfaitement au point. Faisant jouer les comédiennes dans un décor de tuyauterie qui évoque les recoins d'un collège. D'où l'on pourra d'ailleurs entendre Britanny lire son exemplaire de Britannicus, tapie dans la froide structure, telle une cellule où elle se trouve emprisonnée.

Les liens que parvient à établir Marilyn Perreault avec l'oeuvre de Racine sont brillants, même si l'exercice peut paraître didactique à certains moments. Il y a des liens que le spectateur aurait pu faire seul. Le parallèle avec Reena Virk n'avait pas non plus besoin d'être dit dans la pièce. On le devine.

Rien pour remettre en question cet inspirant Britannicus Now. À la fin, on retient aussi tous les signaux de détresse laissés sans réponse, qui nous laissent croire que cette tragédie, comme tant d'autres, était évitable.

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À la Salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier, jusqu'au 26 octobre.