Avec Chien bleu, première pièce de la 30e saison de la Maison Théâtre, la compagnie italienne Teatro Gioco Vita continue de réinventer le théâtre d'ombres. Inspirée de l'album de l'illustratrice Nadja, cette nouvelle production est d'une beauté époustouflante et a le grand mérite de faire voir aux tout-petits cette technique théâtrale dans toutes ses dimensions, jouant avec les points de vue, la lumière et les couleurs.

La pièce raconte l'histoire de la petite Charlotte, qui s'ennuie un peu, toute seule avec sa poupée. Lorsque Chien bleu vient la visiter, elle s'y attache intensément... à la vitesse d'une enfant. Mais ses parents ne veulent pas de chien à la maison, et le refus de sa mère fera vivre à Charlotte sa première peine d'amour. Jusqu'à ce qu'elle se perde dans le bois et qu'elle soit rescapée par l'animal, qui la protégera contre l'esprit de la forêt.

Il y a un côté mélo assumé dans cette pièce: Charlotte est jeune, mais émotive, ses réactions sont toujours excessives et ses peines, comme ses joies, sont toujours appuyées par une musique soit mélancolique, soit dramatique.

Cet enrobage particulier fait que, lorsqu'arrive la confrontation entre Chien bleu et la panthère, les plus petits spectateurs sont sincèrement effrayés - l'effet recherché est manifestement atteint.

Plaisir visuel

Mais cette ambiance un peu tristounette, malgré les éclats de bonheur de Charlotte, enlève du relief à la pièce. Les principaux rebondissements sont d'ailleurs davantage liés aux changements de mise en scène et en lumière qu'au récit.

En effet, le spectacle, jamais statique, joue avec tous les aspects du théâtre d'ombres, et c'est sûrement son côté le plus intéressant. Les marionnettes de carton sont parfois éclairées de devant et projetées en ombres chinoises - on voit donc les personnages en double -, et les parties du corps des deux comédiennes, selon leur position, peuvent même se transformer en éléments de décor.

Parfois, les marionnettes sont manipulées derrière les écrans, qui ne sont pas toujours les mêmes, soit des panneaux, soit un grand tissu. L'utilisation de la lanterne magique apporte par moments un tourbillon de couleurs abstraites, alors qu'une narration simple peut venir ponctuer l'histoire.

Soulignons le travail formidable de précision des deux comédiennes italiennes, qui disent leur texte dans un français plus que potable. Dommage, cependant, que leur accent, surtout lorsqu'elles doivent changer leur voix pour incarner différents personnages, rende à certains moments la compréhension difficile.

Reste qu'il est fascinant de voir l'émotion qui peut passer dans une seule intonation de voix jumelée au mouvement d'une marionnette en deux dimensions dont on ne voit que l'ombre - une tête de chien qui se penche, un bras de fillette qui se tend, une voix qui se brise, l'image est limpide.

Chien bleu entraîne ainsi brillamment les jeunes spectateurs dans un monde imaginaire aux contours mouvants et insaisissables, dans un voyage qui ne les laissera sûrement pas indifférents.

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Chien bleu, à la Maison Théâtre jusqu'au 13 octobre. Pour les 3 à 7 ans.