Ce n'est pas si souvent que les astres du théâtre s'alignent. C'est le cas en ce moment avec La Vénus au vison, du New-Yorkais David Ives, où brillent Hélène Bourgeois Leclerc et Patrice Robitaille. J'ignore la dernière fois qu'une pièce a été ovationnée chez Duceppe, mais la réaction du public jeudi soir était pleinement méritée. Une bien belle façon d'amorcer la 40e saison de la compagnie!

Le procédé du théâtre dans le théâtre n'a pourtant rien de nouveau, mais les traits d'humour et d'esprit de David Ives, ex-chroniqueur du New York Times, font mouche. Nous sommes dans une salle de répétition en présence d'un metteur en scène, Thomas, à la recherche d'une actrice capable d'interpréter le personnage de Vanda dans la pièce La Vénus au vison, de l'Autrichien Leopold von Sacher-Masoch (qui a vraiment existé et écrit ce roman paru en 1870).

Ce metteur en scène (Patrice Robitaille) fait la rencontre d'une comédienne d'apparence simplette, à la limite vulgaire (Hélène Bourgeois Leclerc). Il refuse d'abord de la passer en audition, mais il se rend vite compte que la jeune femme sait jouer et qu'elle maîtrise parfaitement ce texte érotique. Leurs échanges sont vifs et coquins. Les deux comédiens occupent chaque pouce carré de l'immense scène de chez Duceppe. Vous ne verrez pas ça souvent...

La jeune comédienne et le metteur en scène procèdent donc à la lecture de la pièce. Il y est question d'un homme élevé par sa tante à coups de cravache, qui bien malgré lui, prend goût à ces sévices corporels et qui, plus tard recherche chez les femmes «la sensualité de la douleur». Il faut savoir que Sacher-Masoch, dont les héros sont ou bien soumis ou dominés, est généralement reconnu comme le père du masochisme. Le cinéaste Roman Polanski a d'ailleurs adapté la pièce de David Ives au grand écran cette année.

Dans la pièce, qui reprend l'histoire originale, le personnage défendu par Thomas tombe amoureux d'une femme et l'implore d'être son esclave. Les rapports de pouvoir et de séduction se transposent vite sur les interprètes, qui se questionnent sur les intentions véritables des personnages. L'histoire romancée de cette relation tordue se fond petit à petit à celle de notre metteur en scène et de sa comédienne en audition. Créant un huis clos suggestif difficile à résister.

La mise en scène de Michel Poirier repose sur l'extraordinaire interprétation des deux comédiens. Les fréquentes ruptures de ton lorsque les deux personnages se parlent ou se font la lecture de la pièce sont parfaitement orchestrées. Les réflexions de l'auteur sur les rapports amoureux et passionnels sont interprétées avec intelligence. Et si la pièce de deux heures aurait gagné à être un peu resserrée - car il y a des redondances - Hélène Bourgeois Leclerc et Patrice Robitaille nous les font vite oublier.

L'esprit bien tordu, on en finit même par se demander si la relation entre ces personnages, guidés par le destin des héros du roman de Sacher-Masoch, aura une incidence sur celui d'Hélène et Patrice...

> Au Théâtre Jean-Duceppe jusqu'au 19 octobre.