La jeune troupe de cirque Les 7 doigts de la main ouvrira en septembre prochain la saison 2013-14 du Théâtre du Nouveau Monde, dévoilée cet après-midi par sa directrice générale artistique, Lorraine Pintal.

«Tout comme l'acteur est l'athlète du coeur, l'acrobate est le poète du danger», écrit-on dans le programme à propos de Le murmure du coquelicot. Ce spectacle des 7 doigts de la main mettra en vedette Rémy Girard et Pascale Montpetit. Il raconte l'histoire (le texte est de Sébastien Soldevila qui signe aussi la mise en scène avec Shana Carroll) d'un comédien qui se retrouve «emporté par un fascinant délire au moment où il passe une audition pour le rôle de sa vie».

René Richard Cyr rêvait depuis des années de faire la mise en scène du Balcon. Dont acte. Cyr dirigera une somptueuse distribution dans la pièce de Jean Genet: Marie-Thérèse Fortin dans le rôle de Madame Irma, la tenancière d'une maison close, Bernard Fortin, Éric Bernier, Julie Le Breton, Macha Limonchik, Kim Despatis, entre autres. Du 5 au 30 novembre.

Comme La Presse l'avait dévoilé en janvier, le duo de metteurs en scène et d'artistes visuels (Michel Lemieux et Victor Pilon) présentera une nouvelle pièce signée Olivier Keimed, dès le 14 janvier 2014. Cette fois, les créateurs s'attaquent au mythe d'Icare. C'est le jeune et fabuleux acteur Renaud Lacelle-Bourdon qui se brûlera les ailes dans ce spectacle qui, à la manière Lemieux-Pilon, intégrera des comédiens réels et virtuels à une imagerie éblouissante.

En mars, Lorraine Pintal va diriger le chef-d'oeuvre de Michel Tremblay créé il y a déjà 30 ans: Albertine, en cinq temps. L'extraordinaire comédienne Monique Miller défendra ici son premier grand personnage de Tremblay, une femme de 70 ans qui attend la mort, seule dans un foyer, en dialoguant avec ses quatre fantômes de son passé. Marie Tifo, Lorraine Côté, Lise Castonguay, Eva Daigle et Émilie Bibeau complètent la distribution.

Ensuite, du 6 au 31 mai, le formidable Marc Labrèche monte sur la scène du TNM avec Les aiguilles et l'opium. Robert Lepage a remanié sa pièce fétiche, créée au CNA, à Ottawa, il y a 20 ans, qui traite de toutes les formes de dépendances. On parle d'une «re-création» et d'une tournée de deux ans pour Labrèche, qui voyagera jusqu'en Australie avec ses Aiguilles.

Pour clore la saison 13-14, le TNM s'associe avec Juste pour rire pour présenter, à partir du 16 juillet, Cyrano de Bergerac. On a confié ce rôle énorme à un acteur qui a du panache et du talent, Patrice Robitaille. Il sera dirigé par Serge Denoncourt et secondé par 20 autres comédiens, dont la sémillante Magalie Lépine-Blondeau en Roxane, l'objet de l'impossible amour du célèbre membre des cadets de Gasgogne.

Questions/réponses avec Lorraine Pintal

LA PRESSE: La prochaine saison du Théâtre du Nouveau Monde s'ouvre avec un spectacle de la troupe Les 7 doigts de la main. On voit les acrobaties des artistes circassiens davantage à la TOHU qu'au TNM... Pourquoi du cirque dans votre programmation?

LORRAINE PINTAL: On avait déjà présenté Nebbia du Cirque Éloize. C'est un mariage entre le théâtre et le cirque. Je suis férocement convaincue que le théâtre de demain doit s'abreuver à toutes les disciplines. À l'origine du théâtre, il y a déjà une fusion des genres: chant, musique, jeu, poésie, décor. L'avenir est à la fusion des langages afin de rapprocher les arts vivants du public plus jeune. Je ne dis pas de négliger les 45 ans et plus. Dans l'ensemble de la programmation, il y a un juste équilibre entre le texte, la parole et d'autres aspects du théâtre. On vit une révolution fulgurante avec le numérique qui est entré dans nos vies. On ne peut pas continuer à faire le théâtre comme à l'époque de Jean-Louis Roux ou à mes débuts au TNM en 1992. Il faut amener le langage théâtral ailleurs.

LA PRESSE: Parmi les six pièces de la programmation, on trouve une seule pièce entièrement produite par le TNM (Le Balcon). Le reste est constitué de quatre coproductions et une production de la compagnie de Robert Lepage, Ex-Machina. La santé financière du TNM est-elle si fragile que vous ne pouvez plus produire vos saisons sans aide?

LORRAINE PINTAL: C'est un signe des temps. Quand je suis arrivée à sa direction, le TNM était subventionné à 52 %, et maintenant, il l'est à 29 %. En 20 ans, notre budget est passé de 3,5 à 7,5 millions de dollars et le nombre d'abonnés de 4500 à 10 000. Notre défi est donc de combler ce manque à gagner de l'État avec le financement privé et la vente de billets.

LA PRESSE: Ce qui explique qu'il n'y ait pas une grande part de risques, de nouveautés ou de découvertes dans la saison 2013-14? Le TNM est-il condamné aux succès?



LORRAINE PINTAL: On est condamné aux triomphes! Le plancher pour les taux d'assistance est à 80 % de la salle. On doit désormais mettre les supplémentaires au budget. C'est vrai que cette saison-ci, on trouve moins d'audace ou de jeunes metteurs en scène. La relève est plus visible dans les distributions. Or, il faut aussi regarder à long terme et travailler dans la continuité avec des artistes dont la démarche est connue des habitués du TNM. Comme Michel Lemieux, Victor Pilon, Robert Lepage ou René Richard Cyr.



LA PRESSE: Sans crier gare, au fil du temps, le TNM est-il devenu un théâtre privé?

LORRAINE PINTAL: Le TNM est un théâtre public... mais financé par le privé. Si l'État persiste à geler les subventions et à se désengager comme il le fait, il soumet la culture à une obligation marchande, il remet l'art entre les mains de la libre entreprise. À mon avis, ce serait une grave erreur. Je suis positive, mais je vois les dangers qui guettent le TNM. Et il y aura encore plus de coproductions, plus de compromis artistiques, plus de divertissement...

LA PRESSE: Dans ce contexte, craignez-vous pour l'avenir du TNM?

LORRAINE PINTAL: Je suis de nature optimiste. On peut se trouver face à un mur et lancer que c'est la mort du texte, du théâtre, de l'art vivant. Moi, je ne vois pas ça comme la tendance de fond. Mais cela dépendra beaucoup comment nous, artistes, on va communiquer notre art et observer les nouvelles tendances. Nous sommes en pleine mutation et je me sens comme un témoin de cette mutation.

LA PRESSE: Et votre avenir à la direction artistique et générale?

LORRAINE PINTAL: En 2017, on va célébrer le 375e anniversaire de Montréal. Je suis tenace dans le projet de doter la Ville d'un grand théâtre de répertoire avec l'agrandissement du TNM.  J'aimerais partir avec l'idée de la mission accomplie. J'aimerais donner à mon successeur une grande maison, un lieu vivant presque 24 heures sur 24.

Les cinq plus gros succès du TNM au cours des 20 dernières années.

1) L'Odyssée (d'après Homère, adaptation de Dominic Champagne et Alexis Martin); 84 représentations et 65 581 spectateurs (saison 1999-2000).

2) Le Barbier de Séville de Beaumatchais. Mise en scène René Richard Cyr; 45 représentations et 39 650 spectateurs (saison 1998-1999).

3) Cyrano de Bergerac d'Edmond Ronstand. Mise en scène Alice Ronfard; 52 représentations et 34 755 spectateurs (saison 1995-1996).

4) Le malade imaginaire de Molière. Mise en scène Carl Béchard; 41 représentations et 34 525 spectateurs (saison 2005-2006).

5) Don Quichotte de Cervantès (adaptation de Dominic Champagne et Wajdi Mouawad). Mise en scène Dominic Champagne; 42 représentations et 32 368 spectateurs (saison 1997-1998).