Louise Marleau est une grande actrice et une femme passionnée qui s'avoue plus confiante dans son métier que dans la vie. Elle monte sur les planches du TNM, dès mardi, pour jouer une reine qui brûle de désir et de passion pour... son fils.

En arrivant au studio 18 de Radio-Canada, pour l'émission de Catherine Perrin, Louise Marleau entame l'entrevue en remerciant l'animatrice de l'avoir invitée. Simple politesse? Or, la modestie n'est pas la première qualité d'une star. Et Louise Marleau a l'aura, la beauté et le parcours d'une star.

«Ah! Vous savez, l'illusion qu'on est important, ça diminue avec les années. Car on sait que la lumière ne reste pas très longtemps sur nous.»

«La mesure de l'amour, c'est d'aimer sans mesure.» Louise Marleau a fait sienne cette devise de saint Augustin. Amoureuse de l'amour et des hommes. Amoureuse de l'amitié, du plaisir et des défis. «J'ai toujours eu beaucoup d'appétit pour la vie, dit-elle. Je suis une résiliente.»

Mais d'abord, Louise Marleau est amoureuse de son métier. Un métier qu'elle exerce depuis sa tendre enfance. «C'est drôle, je n'ai aucun souvenir de moi, enfant, autre que ceux des studios où j'allais enregistrer des émissions très tôt le matin. Je ne me souviens pas d'un Noël, d'un anniversaire, d'une surprise...

«C'est probablement là, l'origine de ma personnalité fragile, de mon insécurité, confesse-t-elle. Dans ma vie personnelle, je suis restée une petite fille. Je tergiverse, je ne me fais pas confiance. Alors que dans mon métier, je ne crains rien. Si j'ai peur d'un défi, je plonge! Car je veux toujours apprendre, me dépasser, exploser.»

Mourir d'aimer

Dès mardi, elle va irradier dans toute sa splendeur au TNM. Elle joue le rôle-titre dans Jocaste reine de Nancy Huston, une pièce déjà produite à Québec, en février 2012, dans une mise en scène de Lorraine Pintal. L'auteure jette un angle nouveau, un regard féminin et sensuel sur le mythe oedipien.

Louise Marleau incarne cette reine incestueuse qui dira: «J'ai aimé Oedipe bébé. Oedipe jeune homme. Oedipe époux et père, amant fougueux et orgueilleux.»

«C'est un amour sans tabou ni morale, explique la comédienne. Au début, lorsque je discutais du projet avec Lorraine, je croyais que la position de Jocaste était indéfendable. Maintenant, je la comprends mieux.»

Pour la comédienne, c'est aussi un retour à ses anciennes amours. Elle n'était pas montée sur la scène du TNM depuis 1992 (dans Les beaux dimanches de Marcel Dubé). «Chaque jour, quand j'arrive pour répéter au TNM, ça me touche énormément. C'est un lieu très important, mon alma mater. J'ai beaucoup travaillé avec Jean Gascon dans les années 60. C'est lui qui m'a initiée aux classiques.»

Louise Marleau a incarné Agnès dans L'école des femmes de Molière. Elle a été aussi de l'aventure du Soulier de satin de Claudel, pièce-fleuve dirigée par Jean-Louis Roux. En 1968, Jean Gascon va l'inviter au festival de Stratford, en Ontario, pour jouer Juliette, en anglais. Christopher Walken est son Roméo. Elle a 24 ans et lui, 25. «Nous faisions un très beau couple!», dit-elle en riant.

Un rendez-vous manqué

Après Jean Gascon, il y a eu la rencontre avec Jean Salvy, son premier mari. «Grâce à lui, je suis devenue l'actrice que je voulais être, dit-elle. Il m'a fait lire Soudain l'été dernier de Tennessee Williams qu'il a monté pour moi. J'ai alors réalisé que je n'aimais plus jouer des jeunes premières. Je voulais interpréter des personnages dramatiques, avec plusieurs couches. Des femmes troubles, fragiles, mystérieuses.»

Quand le TNM a produit la création française The Two-Character Play de Williams, le célèbre dramaturge a passé quelques jours à Montréal. «Il m'avait dit: «You MUST play Blanche Dubois!» Hélas, c'est un rendez-vous manqué. Mais j'ai tellement eu de beaux rôles. Je ne regrette rien.»

Louise Marleau a aussi été choyée au cinéma. Dans les années 80, on l'a vue notamment dans L'arrache-coeur de Mireille Dansereau, La femme de l'hôtel et Anne Trister de Léa Pool, Une histoire inventée de Forcier.

Et puis... Et puis, il y a des cycles, des périodes creuses, ce qui est normal dans une carrière aussi longue. Toutefois, Louise Marleau trouve qu'on manque d'audace au Québec. Qu'on a de la difficulté à voir vieillir nos actrices à l'écran.

«Je ne vois pas beaucoup de premiers rôles écrits pour des comédiennes de 50 ans et plus, dit-elle. Comme on le fait à Hollywood, pour Meryl Streep, par exemple. Ou en Europe, pour Emmanuelle Riva. Ce n'est pas par manque d'intérêt du public. Prenez Micheline Lanctôt dans Unité 9. Elle est extraordinaire. Son jeu est d'une grande maestria. Et ça fonctionne!»

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Jocaste reine, au Théâtre du Nouveau Monde, du 5 au 30 mars