La nostalgie n'est plus, alors plus du tout, ce qu'elle était. Sous l'imaginaire délirant d'Olivier Choinière, la nostalgie prend la forme d'un grand cirque gore et anarchique, peuplé de zombies, de monstres pervers et d'autres étranges créatures qui vomissent du sang. Et crachent leur mépris du temps présent.

Avec Mommy, sa dernière pièce présentée aux Écuries, l'auteur et metteur en scène fait plus que critiquer «le courant réactionnaire» de la société québécoise: il jette un gros vomi sur la droite au Québec! Et quelques autres gaz suspects...

On connaissait Choinière, l'enfant terrible du théâtre québécois, un artiste sans limites qui n'a pas la langue dans sa poche. Or ici, l'enfant a créé un monstre encore plus terrifiant! Car Mommy, le titre et le personnage affreux, sale et méchant de sa pièce (joué par Choinière), est une proposition théâtrale sans compromis.

Le jour de ses funérailles, une grand-mère va sortir de son cercueil et revenir hanter ses proches. Oh, qu'elle est acariâtre, cette mamie! Nostalgique du bon vieux temps, de Walt Disney et de Maurice Duplessis, elle aime le «beau» Stephen Harper et idéalise le passé.

Juché au-dessus de la scène, Jésus (l'excellent DJ Naes) joue des pièces qu'il semble puiser dans la boîte à souvenirs de Mommy. La trame sonore multiplie les références musicales dans un judicieux montage (signé Choinière et Philippe Brault). On va de Ferland à Barbara en passant par Pauline Julien, René Simard et Angèle Arsenault. Tandis que Mommy et ses amis chantent, micro en main, la poésie «rapeuse» de Choinière. Ses paroles sont comme des flèches empoisonnées lancées aux baby-boomers, mais aussi aux autres générations - on peut être nostalgique à 20 ans...

Ce n'est pas toujours beau, pas toujours clair. C'est parfois discutable et ça va dans tous les sens. Et, surtout, ce n'est pas un spectacle consensuel.

Cela dit, c'est un geste artistique essentiel, un cri de révolte et d'amour envers un peuple qui croit se souvenir... mais qui est atteint d'amnésie collective.

La production est menée tambour battant par d'excellents comédiens qui dansent, chantent et se transforment devant nous en plusieurs délirants personnages: un ado qui traîne sa carcasse livide (Jean-François Nadeau); une fée Clochette perverse (Fanny Rainville); un bébé pas de tête (Guillaume Tremblay)!

Une mention spéciale au p'tit Simard et au Jean-Pierre Ferland de l'énergique et ludique Stéphane Crête.

Au final, Mommy est un spectacle tonifiant qui décoiffe nos certitudes. Pour mieux semer le doute.

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Présenté au Théâtre des Écuries, jusqu'au 9 mars