«C'est lourd, la jeunesse», a commenté une dame en sortant de Ventre, pièce de l'auteur et comédien Steve Gagnon présentée à La Licorne. Lourd? Un peu, oui, puisque la jeune femme (Marie-Soleil Dion) qui fait irruption au milieu de la nuit dans l'appartement miteux de son ex (Steve Gagnon) vient d'abord expliquer une infidélité que l'ex en question vit comme une abominable trahison. Une brûlure vive qu'il tente d'apaiser en se vautrant tout habillé dans l'eau sale et glacée de son bain.

Il a mal. Et il le crie. Tantôt revanchard, tantôt souffreteux et parfois dans des envolées poétiques qui tranchent du ton plus quotidien de leur joute verbale aussi volatile que de la nitroglycérine. Il est un peu lourd, en effet. Mais Ventre montre surtout deux jeunes adultes entiers, idéalistes, avides d'une vie pleine, d'un amour qui en vaut la peine et qui voudraient se dresser contre tout ce qui plie l'échine, ce qui est mou, convenu et satisfait.

N'est-ce pas le propre de la jeunesse que d'être animé par une telle soif d'absolu et de remettre en cause l'ordre établi? Il serait facile de dire que oui. Sauf qu'il faut beaucoup de courage pour s'opposer au rouleau compresseur de la norme et des idées reçues. C'est ce que ces deux personnages se souhaitent. C'est ce que le texte de Steve Gagnon propose comme horizon. Et c'est ce qui fait sa force.

Ventre, sobrement mis en scène par Denis Bernard, interroge notre manière d'être ensemble. En couple, comme ces deux jeunes adultes meurtris par leurs désirs, mais aussi en société. «On est 200 000 à sortir dehors de temps en temps pour marcher parce qu'on se fait chier sur la tête», dit la jeune femme, réjouie, avant d'ajouter qu'il y a 1,2 million de personnes qui regardent L'auberge du chien noir... «C'est-tu ça, notre rassemblement collectif? demande-t-elle. C'est-tu ça, notre langage, notre manière de s'dire qu'on est ensemble?»

Ces deux âmes jeunes et ébranlées cherchent moins du sens qu'un sens du sacré. Une envie à laquelle font écho ces tirades poétiques qui se déploient par moments et qui font la singularité de ce texte auquel Denis Bernard apporte une mesure qui permet de bien le faire entendre. Steve Gagnon fait preuve d'une aisance évidente en livrant ce texte de son cru. Marie-Soleil Dion brille un peu moins, mais se révèle globalement convaincante, d'autant plus que c'est elle qui a la partition la plus imposante à jouer.

Dans ce refus du goût imposé, du climat de peur entretenu par les manchettes des journaux et du cynisme, il y a une envie réelle de se dresser. D'être farouchement contre la noirceur et la soumission. Ventre suggère que l'amour partagé, sinon le couple, est l'un de ces lieux de résistance, ce qui est une piste un peu convenue en finale d'un texte aussi enflammé. Steve Gagnon lance néanmoins un cri qui porte. Du genre qui ne laisse pas la conscience tranquille.

Ventre, jusqu'au 23 janvier à La Licorne.