On a vu au cours des dernières années plusieurs comédies de Molière montées avec un humour de gala Juste pour rire sous prétexte de rappeler les sources populaires de son oeuvre. Ce n'est pas la voie privilégiée, on s'en doute, par le metteur en scène Denis Marleau pour Les femmes savantes, désormais à l'affiche au TNM après avoir connu un grand succès en Provence tout l'été.

Marleau, comme c'est son habitude, s'attache d'abord à faire entendre le texte, ici en alexandrins. Écouter ces acteurs chevronnés dire les vers avec une telle précision, sans lourdeur aucune, pour le plaisir de l'image et les voir habiter pleinement cette langue magnifique est déjà un bonheur rare. Qu'ils le fassent en jouant la comédie de manière aussi efficace et retenue rajoute au plaisir.

La direction d'acteur est ici au coeur de la réussite. Chaque personnage est dessiné avec précision: l'ambivalente Armande (Noémie Godin-Vigneau, à la fois subtile et transparente), l'aveugle et vaniteuse Bélise (Sylvie Léonard, délicieuse en bourgeoise alcoolique) et le fin Ariste (Bruno Marcil, un comique au doigté exceptionnel).

De Christiane Pasquier à Henri Chassé, sans oublier Muriel Legrand (vive Henriette), la distribution est d'une cohésion sans pareille. Seul Carl Béchard détonne dans ce spectacle mesuré: son Trissotin s'avère exagérément tourbillonnant. L'acteur, rompu à ce genre de comédie il est vrai, prend un peu trop ses aises et on s'étonne que Marleau n'ait pas mieux canalisé son énergie débordante.

En déplaçant l'action dans un pavillon bourgeois quelque part dans les années 50, rapproche le propos de nous et fait un clin d'oeil à l'émergence du féminisme. L'ambivalence de la pièce de Molière se prête bien à la transposition. Oui, ces femmes assoiffées de connaissance jusqu'à l'aveuglement volontaire sont ridicules. Or, elles s'affirment toutes, chacune à sa manière, et témoignent d'un désir profond de disposer elles-mêmes de leur corps et de leur esprit.

Peut-on admettre pour autant que ces Femmes savantes tendent un miroir à notre époque? Il n'est jamais superflu de rappeler le chemin parcouru, surtout en cette époque où le féminisme demeure accusé de bien des maux, le plus souvent à tort et à travers. Mais il faut reconnaître que, au Québec, les femmes tiennent désormais le haut du pavé, particulièrement en ce qui a trait à l'éducation: ne sont-elles pas majoritaires à l'université et surtout dans les domaines les plus exigeants?

Les femmes savantes, mise en scène de Denis Marleau, au TNM jusqu'au 27 octobre.