L'indifférence ne fait pas partie des émotions que veut susciter Fabien Cloutier. Ses personnages ne se tournent pas la langue sept fois dans la bouche avant de dire le fond de leur pensée. Son écriture ne supporte pas la demi-mesure. Elle force le spectateur à se positionner devant l'action et ensuite à réviser son jugement, comme chez Dennis Kelly ou David Harrower. Son théâtre est brut et il dérange.

Billy (les jours de hurlement), mise en scène par Sylvain Bélanger, use d'un stratagème que le dramaturge de Québec a déjà utilisé. Sa courte pièce met en scène trois personnages, deux femmes et un homme, qui voient le monde à travers leurs préjugés. Les imbéciles, les incompétents, les mauvais parents, c'est toujours les autres. Les responsables, c'est toujours la bureaucratie, le système, les syndicats et ce gouvernement qui promet de faire le ménage, mais ne le fait jamais.

Idées reçues

Fabien Cloutier transporte sur scène - non sans humour - un discours qu'on n'entend pas souvent sur scène, mais qui s'écrit à tue-tête sur l'internet. Un discours dominé par les jugements à l'emporte-pièce et cette conviction de faire partie de ce «vrai monde» dont tout le monde se réclame et, surtout, de n'être aucunement responsable des problèmes de société contre lesquels éructer des idées reçues devient parfois un sport désolant, dans les médias comme autour de la machine à café.

La tentation de juger méchamment ce trio offensant, interprété avec aplomb par Louise Bombardier, Catherine Larochelle et Guillaume Cyr, est grande, vous l'aurez compris. Or, c'est là que le ton du texte prend tout son sens. Devant cet étalage de frustration et de mépris, on est forcé de se positionner. De réfléchir à notre propre sens de la responsabilité, à notre vision de la collectivité. Pire, on est mis devant ses propres préjugés et sa lecture parfois binaire de réalités complexes au sujet desquelles, au fond, on ne sait trop peu de choses pour s'en faire une idée juste. Ça fait mal.

C'est là la force du théâtre de Fabien Cloutier: il dérange avec malice et une grande lucidité devant le climat social dans lequel ses textes s'inscrivent. Son propos est d'une pertinence absolue en cette ère tendue où les débats sont animés et parfois trop hargneux pour être intelligents.

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Jusqu'au 18 mai à La Licorne.