Pour la sixième production des Éternels pigistes, cette troupe d'acteurs et d'amis au théâtre et dans la vie, Christian Bégin a repris la plume. Sa troisième pièce, Après moi, est un appel à l'aide pour briser l'isolement entre les êtres.

Il arbore un carton rouge sur son manteau, en appui au mouvement de contestation étudiante (son fils est au cégep et engagé dans la grève). Mais ce sera la seule manifestation de son indignation. Car cette fois, Christian Bégin ne désire pas déclencher de polémique en entrevue...  

Calme, voire zen, à quelques jours de la première de la création d'Après moi, sa nouvelle pièce qui prend l'affiche de La Licorne, mardi soir, Bégin confie être de plus en plus en paix avec lui-même en vieillissant. «Mes fissures laissent passer un peu plus de lumière», dit-il.

C'est peut-être que l'acteur de 49 ans est à l'heure des bilans. L'automne dernier, il a fêté ses 25 ans de métier. Un anniversaire qui lui a fait réaliser deux choses. Primo: Bégin veut «vieillir avec ses amis acteurs» des Éternels pigistes (tout comme lui, Isabelle Vincent, Patrice Coquereau et Marie Charlebois ont commencé leur vie professionnelle voilà un quart de siècle; Pier Paquette est l'aîné de la troupe fondée en 1996). Secundo: la vedette de Trauma réaffirme qu'elle ne peut se passer du théâtre: «C'est un espace de plaisir et de liberté totale, mon carré de sable!»

Après Circus Minimus et Pi...?! , Après moi représente son troisième texte dramatique. Mais Bégin a également écrit des spectacles d'humour et des projets télévisuels. Il en a confié la mise en scène à Marie Charlebois, qui fait aussi partie de la distribution avec les quatre autres éternels pigistes. Variations sur le thème de la solitude, de l'isolement et du besoin de l'Autre, l'histoire raconte la dérive existentielle de cinq âmes solitaires (deux couples en crise et un homme seul qui veut en finir avec la vie). Ce sont aussi des personnages (très) colorés par leur névrose respective. Ils se retrouvent par hasard dans un motel, au bord de la route en Abitibi, un soir de tempête. Ils vont revivre huit fois la même scène dans ce lieu de passage. Et chaque fois, ils se croisent sans vraiment se rencontrer...

Malgré cette vision assez sombre des relations humaines, Christian Bégin estime qu'Après moi est sa pièce la plus lumineuse à ce jour. «C'est une comédie grave ou un Feydeau noir, parce qu'on ouvre et ferme beaucoup de portes! Depuis le début des Éternels pigistes, avec les pièces de Pierre-Michel Tremblay (Le jeu du pendu, Quelques humains), on a toujours voulu faire du théâtre populaire. Des pièces qui parlent autant aux artistes du Plateau qu'aux ouvriers en région. D'ailleurs, nos spectacles connaissent un bon succès en tournée dans la province. Et c'est grâce aux tournées qu'on arrive à gagner un peu d'argent avec nos créations.»

Sacré métier

Il existe des filiations dans les thèmes de ses pièces: la perte de valeurs communes; l'individualisme exacerbé; la quête de sens; le hasard qui peut influencer le cours de nos existences, changer nos trajectoires... «Or ici, j'ai essayé des choses avec la structure et la temporalité, confie l'auteur. J'avais le goût de m'amuser avec la forme. D'où la répétition d'une même scène, comme dans le film Le jour de la marmotte. Dans la vie, on emprunte souvent le même chemin. Il faut un événement majeur pour nous faire changer de route.»

Sa route personnelle ne le prédestinait pas du tout à devenir acteur. Adolescent au Collège Laval, il a même envisagé la prêtrise! Mais l'éveil des sens lui fera vite remettre en question la vie sacerdotale. Après des cours en éducation spécialisée, il décide (malgré l'avis de ses parents) de s'inscrire à l'option théâtre du Cégep de Sainte-Thérèse. Il abandonne au bout d'un an. Sa blonde de l'époque lui avait lancé un ultimatum: «C'est le théâtre ou moi!» Robert Lalonde (qui était l'un de ses professeurs de jeu) va le convaincre de revenir à Sainte-Thérése.  

Après quelques rôles, il connaît une période creuse au milieu des années 90. Il décide donc de se créer du travail. Il écrit Que reste-t-il de mes amours?, un solo humoristique que Bégin produira lui-même moyennant un emprunt de 10 000 dollars à la banque. Et sa carrière prendra son envol!

J'ai touché à tout dans le métier: théâtre, cinéma, téléséries, animation, humour. Car je suis curieux de nature. Ce n'est pas juste un jeu de mots pour un titre d'émission de bouffe à la télé. C'est vrai que tout m'intéresse! En vieillissant, ce qui me fâche le plus, c'est de réaliser que, hélas, je ne peux jamais tout faire. Je dois calmer mon appétit insatiable de travail (qui vient sûrement d'une grande insécurité). C'est pour ça que j'ai acheté une maison à Kamouraska. Loin de tout.»

Mais en gardant quand même un pied-à-terre au centre-ville. Question de pouvoir revenir au coeur de l'action.

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Après moi. de Christian Bégin. Production Les Éternels pigistes. Au Théâtre La Licorne, du 13 mars au 14 avril.