Bien qu'il trouve l'exercice «terrifiant», Marcel Pomerlo propose un deuxième spectacle solo dans lequel il assume (presque) tous les rôles sur scène et en dehors.

Ironiquement, le comédien et créateur Marcel Pomerlo s'est lancé dans l'aventure du spectacle solo pour en finir avec... la solitude. C'était en 2002, avec le très beau L'Inoublié ou Marcel Pomme-dans-l'eau: un récit-fleuve, qu'il a joué durant près de trois ans à Montréal, puis en tournée. Il revient cet automne avec une création Gaëtan (pièces à assembler à la maison) à l'affiche dès demain du Théâtre de Quat'Sous. Le spectacle sera présenté en mars prochain au Studio du Théâtre français du CNA, à Ottawa.

Outre des titres originaux, ces deux pièces ont en commun leur processus de création. Pomerlo porte (presque) tous les chapeaux: écriture, mise en scène, interprétation, costumes; en plus de collaborer à la scénographie (réalisée par Cédric Lord) et à la musique (signée Éric Forget). Il s'est inspiré des oeuvres du peintre montréalais Marc Tremblay. Entre autres huit tableaux de sa série intitulée Tenir en dépit des malgré, qu'on verra en toile de fond du décor.

Si Gaëtan est moins autobiographique que son précédent solo, le personnage baigne dans le même univers poétique et épuré, lumineux et délicat. «C'est à la fois merveilleux et terriblement angoissant un solo», confie Pomerlo, rencontré dans les bureaux de Momentum, la troupe (dont il est cofondateur) qui coproduit Gaëtan avec le Théâtre français du CNA. «À mes yeux, le solo demande plus que de bien jouer ou de donner une bonne performance; c'est aussi une prise de parole, un acte de résistance. C'est une liberté qui donne le vertige. Mais d'en assumer tous les aspects me permet d'aller au bout d'une vision théâtrale. Et pour moi, la création, c'est un questionnement sur le monde.»

L'enfance de l'art

Gaëtan est le récit d'un homme seul face à son destin. Un homme en morceaux qui se reconstruit grâce à l'art. «Car je crois, comme Strindberg, que l'âme est un assemblage de pièces de toutes sortes», ajoute l'auteur.

Gardien de nuit dans un musée, Gaëtan est sans famille. Il a été élevé dans un orphelinat par une religieuse. Né avec «deux coeurs», il passera son enfance sur des tables d'opération pour régler ses problèmes de santé. «L'enfance est le premier territoire sur lequel on atterrit, dit Pomerlo. Pour certains, ce territoire est lisse et doux; pour d'autres, il est morcelé, fracturé. Mais on ne peut pas devenir adulte, si on n'explore pas son enfance.»

Une nuit au musée, le gardien sera ébloui par un Renoir: le portait d'une actrice de la Comédie-Française, Jeanne Samary; une toile immense et peinte en 1878 qui est, dans la réalité, exposée au Musée de l'Ermitage, à Saint-Pétersbourg. «Lui, orphelin et bâtard, voit dans ce portrait la mère qu'il s'est imaginé depuis son enfance, qu'il s'est construit dans sa tête, explique Pomerlo. Une femme belle, grandiose, chaleureuse. Et c'est le choc! Gaëtan ressortira du musée «le coeur léger, comme apaisé. Libéré d'un poids qu'il traînait depuis toujours et qui était demeuré non identifié.»

Pour le créateur, l'art peut sauver des vies. «Ça semble un peu gros comme affirmation, mais j'y crois. Sauver des vies dans le sens de briser l'isolement, d'ouvrir une fenêtre. Adolescent, j'ai connu des moments de solitude et de désarroi. Or, je me souviens d'avoir lu Le torrent et d'avoir vécu aussi un choc, comme a eu Gaëtan. L'oeuvre d'Anne Hébert avait des résonances sur ce que je vivais, ressentais. Anne Hébert, tout comme Bergman, a contribué à former l'homme et l'artiste que je suis devenu.»

Si l'art ne sauve pas des vies, il est assurément libérateur.

Gaëtan (Pièces à assembler à la maison) par Marcel Pomerlo. Au Quat'Sous, du 28 novembre au 17 décembre.