Que Contre le temps soit créée alors qu'un mouvement international réclame une plus grande justice économique est un pur hasard. Que sa première tombe un jour de grande manifestation étudiante aussi. Ces deux coïncidences contribuent toutefois à donner un parfum d'actualité à la nouvelle pièce de Geneviève Billette.

Contre le temps se déroule en 1832 et tourne autour d'Évariste Galois (Benoît Drouin-Germain), mathématicien français au génie précoce associé à une grande percée dans le domaine de l'algèbre. Sexy, comme sujet? Pas au premier abord.

Or, ce jeune homme était aussi un esprit exalté épris de beauté et ardent républicain. Il a participé à de grandes manifestations contre la monarchie, a fait de la prison et est mort des suites d'une blessure par balle subie lors d'un duel. Tout un personnage, au bout du compte.

Geneviève Billette a concentré son évocation en une nuit de 1832. Évariste Galois vient d'être libéré et sa mère (Monique Spaziani) traverse Paris pour lui rendre visite. Alors qu'elle s'approche de sa porte, un spectre (Benoît Gouin) s'interpose: le poète des mathématiques travaille et ne doit pas être dérangé.

Cette fameuse nuit est le point d'ancrage de la pièce, qui se déploie à la faveur de sauts dans le temps, que la mise en scène de René Richard Cyr rend avec une grande limpidité. Scène après scène, la dramaturge étoffe ainsi son personnage, que Benoît Drouin-Germain interprète avec une fébrilité romantique fort à propos.

La réflexion avant l'émotion

Contre le temps tient en un texte dense, que certains trouveront trop touffu et long, bâti en partie sur des monologues et des passages narrés qui contribuent au caractère statique du spectacle. Le plateau large et peu profond où se meuvent les acteurs donne à l'ensemble un air de tableau où l'esthétique prime. Mais le texte, de même que la direction d'acteurs, très réussie, évoque de manière éloquente et pertinente le romantisme alors en vogue en France.

Les tempéraments vifs d'Évariste Galois et de son ami et bientôt rival (Benoît McGinnis) illustrent en effet parfaitement ce sentiment d'exaltation du moi propre à la littérature romantique. Le ton est juste, même s'il confère à l'ensemble un je ne sais quoi d'artificiel. Geneviève Billette cherche de toute façon moins à émouvoir qu'à faire réfléchir. Et parfois à faire rire, avec des répliques savoureuses qu'elle met dans la bouche du spectre ou de son fantastique Gérard de Nerval (le très drôle Bruno Marcil).



Évariste Galois, héros romantique au destin funeste, insiste sur l'importance d'un engagement politique et intellectuel qui manque à notre époque. Sa conviction qu'il faut prendre du recul pour trouver des solutions globales à un ensemble de problèmes en apparence particuliers, résonne aussi fort à une époque où de multiples problèmes découlent des dérives du capitalisme néolibéral dénoncés par le mouvement des «indignés».

Contre le temps, jusqu'au 3 décembre au Théâtre d'Aujourd'hui.