Le jeune dramaturge Éric Noël a vécu son baptême professionnel cette semaine avec la création au Quat' Sous de Faire des enfants, pièce qui a marqué la fin de son cursus à l'École nationale de théâtre. Coiffé du prix Gratien-Gélinas en 2010 et déjà traduit en allemand, ce texte économe et par moments brutal explore un assez sombre entrelacs de sexe, de mensonges et de liens familiaux.

Au centre de l'arène, il y a Philippe (Dany Boudreault, fort juste), 24 ans, belle gueule et carapace épaisse comme ça. Il a quitté la maison familiale de L'Assomption et se défonce dans les bars et les saunas du centre-ville de Montréal: sexe, alcool, drogue et violence. Éros drague Thanatos. D'où vient ce nuage noir qui enveloppe son âme? Faire des enfants explore une piste qui pointe vers les origines: la cellule familiale.

Il y a chez Éric Noël une économie de moyens qui donne l'impression que les personnages ne se disent que l'essentiel: ce qui masque la vérité ou ce qui la révèle dans toute sa brutalité. Il y a aussi une façon de jouer avec la forme qui vise à ne montrer que les moments charnières de la trajectoire de Philippe. Des ingrédients susceptibles de provoquer un choc... qui ne vient pas.

Il y a des éclats de vérité dans Faire des enfants, mais aussi des scènes qui s'étirent jusqu'à sonner faux (la visite chez la «meilleure amie») et une volonté de mettre tant de choses au clair que le texte finit par en dire trop et n'être plus crédible. Des maladresses normales pour une première oeuvre, mais que la mise en scène de Gaétan Paré souligne plutôt que de les gommer.

La plupart du temps, on a le sentiment que les acteurs se refusent à l'émotion. Est-ce l'illustration de l'incapacité à s'ouvrir à l'autre qui traverse la pièce? Un bête refus d'émouvoir imposé par le metteur en scène dans l'espoir de placer le propos au-dessus des sentiments mêlés? Les interprétations, de manière générale trop peu habitées, donnent malheureusement l'impression de rester en surface des choses.

Faire des enfants, jusqu'au 13 novembre au Quat' Sous.