Qu'est-ce qui fait notre bonheur? Magasiner, comme se le demandait la compagnie Joe Jack et John dans Go Shopping, ou faire semblant, comme le suggère Just Fake It, sa dernière création?

«Nos vies sont pleines de demi-vérités et de petits mensonges qui nous composent une façade sociale», constate Catherine Bourgeois, fondatrice de la compagnie Joe Jack et John. Ce masque invisible qu'on arbore au quotidien constitue l'un des ancrages de Just Fake It, production qui inaugurera le théâtre Aux Écuries.

L'idée de s'interroger sur les arrangements qu'on prend avec la vérité est née d'une fascination pour... la Chine. Pas parce que ce pays est un important fabricant de produits contrefaits, mais parce que sa quête de la perfection le mène à «travestir les apparences».

Catherine Bourgeois et Jean-Pascal Fournier (codirecteur artistique de la compagnie) évoquent notamment les images truquées diffusées lors de la cérémonie d'ouverture des Jeux olympiques de Pékin. Ils rappellent également qu'une jeune chanteuse avait été remplacée par une autre plus jolie... qui avait toutefois dû chanter en synchronisation. «Le constat, c'est que le faux est peut-être plus présent qu'on le pense», dit Jean-Pascal Fournier.

«Ce n'est pas un spectacle qui dénonce, on s'inclut là-dedans», précise-t-il toutefois, ajoutant que «le fake» est «nécessaire». Dans Just Fake It, d'ailleurs, les acteurs racontent tous un moment de leur vie où ils ont feint quelque chose. La danseuse américaine Dorian Nuskind-Oder, par exemple, avoue avoir souvent fait semblant de comprendre ses interlocuteurs francophones.

Ce décalage entre vérité et fiction n'est pas qu'un thème du spectacle, c'est un terrain d'exploration récurrent pour la compagnie Joe Jack et John, qui aime beaucoup jouer avec les codes du théâtre. Qu'est-ce qui est vrai ou faux? Jeu ou non-jeu? «La frontière entre la réalité et la fiction est toujours mince, reconnaît Catherine Bourgeois. La présence d'acteurs déficients intellectuels dans le spectacle contribue à brouiller les codes.»

Joe Jack et John travaille en effet depuis plusieurs années avec des acteurs atteints de déficience intellectuelle. Michael Nimbley et Geneviève Morin-Dupont n'en sont d'ailleurs pas à leur première expérience avec la compagnie, et ont participé à l'écriture du spectacle au même titre que les autres créateurs.

L'intégration de déficients intellectuels est un choix artistique, souligne Catherine Bourgeois. Elle s'inscrit dans un désir de mettre en scène notre relation à l'autre et à sa différence au sens large. Une volonté qui se traduit de manière générale par des distributions où sont mis en valeur «d'autres corps», «d'autres voix» et «d'autres accents» - celui de Dorian Nuskind-Oder, dans ce cas-ci.

Par ailleurs, Catherine Bourgeois se réjouit de présenter Just Fake It, qui est une pièce bilingue, dans un vrai théâtre. «C'est la première fois qu'on est choisi dans une saison artistique par un théâtre, dit-elle. Je suis vraiment fière qu'un diffuseur mette son sceau d'approbation là-dessus.»

Du 14 au 29 octobre au théâtre Aux Écuries