Après une «parenthèse télévisuelle qui lui aura permis de s'acheter une Volvo», François Létourneau revient à son premier amour: le théâtre de création. Pour ce, le coauteur des Invincibles a réuni des amis acteurs et la bande du Théâtre ni plus ni moins autour d'un projet scénique assez fou: un faux théâtre documentaire sur le pouvoir et la sexualité. Avec son titre accrocheur, quoiqu'inquiétant, La fin de la sexualité nous donne du plaisir, sans remplir toutes ses promesses.

Depuis 10 ans, dans ses textes, François Létourneau explore l'animalité du désir humain. Pas étonnant qu'il ait voulu ici parler de la misère sexuelle qui se cache derrière les coulisses de la Maison-Blanche. De l'ère Reagan à la fin des années Bush, sa nouvelle pièce s'inspire de personnages et d'événements réels (quatre présidents américains et leur entourage qui ont vécu l'Irangate, la guerre du Golfe, et autres Monicagate) en les mêlant à une intrigue dramatique: un rapport secret qui fait état d'une enquête de l'administration américaine sur les activités sexuelles de ses citoyens. D'entrée de jeu, Frédéric Blanchette (le metteur en scène, qui incarne aussi l'alter ego de l'auteur), nous dévoile que ces documents lui serviront à créer la pièce que nous allons voir...

La fin de la sexualité commence en lion! Ronald Reagan (caricaturé en satyre hollywoodien épris de blockbusters et de p'tites vites, rendu avec brio par Patrice Robitaille) règne alors à Washington. Le mandat de ce président républicain étant une période fertile pour créer des scènes à la fois loufoques et révoltantes. Et saisir l'indécrottable et séculaire hypocrisie du puritanisme américain. De «l'homosexualité théorique» d'un secrétaire à la Défense (Létourneau, parfait dans le rôle de John Poindexter) à l'appétit sexuel vorace de la Première dame, la comédie s'annonce férocement satirique.

Or, à partir de la deuxième partie, époque Bush père, l'auteur s'égare. Dès lors, la pièce se cherche... et se perd. On s'éloigne tellement de la réalité qu'on se demande pourquoi Létourneau persiste à mettre en scène tous ces politiciens pour leur mettre en bouche des dialogues aussi creux. Certaines scènes s'étirent comme un (mauvais) sketch de Saturday Night Live. À l'instar de l'émission d'humour, cela nous donne la possibilité d'observer le registre et l'approche de jeu des acteurs. Ceux-ci incarnent plusieurs rôles dans une mise en scène ouverte, voire expérimentale. Patrick Drolet cherche le ton juste en Bush père; Catherine-Anne Toupin a plus de chance dans la peau de l'ancienne ministre de la Justice Janet Reno; Émilie Bibeau s'émoustille, entre autres, dans les robes de Monica.

Pas vraiment ennuyant à voir, si cela n'était pas l'oeuvre de l'auteur de Cheech, une pièce à la structure impeccable. Ici, on a l'impression que Létourneau est passé à côté d'un thème riche en réflexions... pour réaliser une suite de sketches, certes comiques, mais finalement inoffensifs.

Pour nous laisser tomber au milieu de l'orgasme, quoi!

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La fin de la sexualité, à La Petite Licorne, jusqu'au 4 novembre.