Cela fait deux ans que Jean-Marc Massie et Simon Gauthier construisent un spectacle singulier où le conte prend vie au rythme de scies musicales. Natashquan, Poitiers, Lille, Marrakech, les Hommes à scie ont vu du pays avant de souder tous les morceaux nécessaires à la conception de ce cabaret métallurgique.

À quelques jours de la première d'Hommes à scie, nos deux hommes s'échauffent dans la verrière non chauffée du café Blanc de blanc, dans le Mile-End. À -15 °C, l'exercice a de quoi étonner. «C'est une façon de nous entraîner, dit Jean-Marc Massie. Comme ça, lorsqu'on joue à l'intérieur, on est vraiment meilleurs!»

Ces drôles de pistolets se sont rencontrés il y a une douzaine d'années à Trois-Pistoles dans un festival de conte. Jean-Marc Massie, à l'origine des Dimanches du conte, est tombé sous le charme de Simon Gauthier, un conteur qui s'accompagnait déjà d'une scie musicale.

Peu à peu, Jean-Marc Massie et Simon Gauthier ont créé un univers atypique où la parole se mêle aux sons étranges d'instruments métalliques fabriqués sur mesure: scie percussive, scie mélodique (jouée avec un archet), scie ronde industrielle, violon à clous, chaînes, cymbales taillées en spirale, et même un call d'orignal «qui fait des sons de flûte marocaine».

Pacte avec le fer-blanc

Mais d'où vient cette passion pour la scie? Simon Gauthier avait 15 ans lorsqu'il a vu, dans le film Delicatessen, un joueur de scie musicale: «Je me souviens d'avoir été fasciné par le son de cet instrument, qui rappelle la voix des castrats, dit-il. À la fin des années 90, avec l'internet, je me suis mis à faire des recherches et j'ai acheté ma première scie musicale aux États-Unis.»

Maintenant, les deux artistes font construire leurs scies sur mesure par un métallurgiste de Calixa-Lavallée, Marc St-Pierre, qui leur a récemment ajouté un microcontact qui leur permet de brancher leurs instruments sur un amplificateur. «Il y en a qui font des pactes avec le diable; nous, on a un pacte avec le fer-blanc!» lance Jean-Marc Massie.

Le conteur vétéran joue avec une scie percussive de cinq pieds de hauteur. C'est lui qui donne le rythme, mais, insiste-t-il, «nous sommes tous les deux d'abord et avant tout des conteurs». Un troisième joueur s'est ajouté au duo: l'électroacousticien Benoît Rolland.

Mais parlons du contenu de ce spectacle, qui rassemble des histoires provenant de leurs univers respectifs. Jean-Marc Massie, qui a grandi dans le quartier Rosemont, narre (entre autres) la rencontre de son père boucher et de sa mère, soeur carmélite qui a défroqué avant d'accoucher de... Jean-Marc Massie.

Simon Gauthier, lui, évoque sa jeunesse à Sept-Îles, en racontant la vie d'Isidore Bezeau, «receleur, prêteur sur gages, pyromane, et fils de Joe Bezeau. Une légende née dans la forêt en 1969, en même temps que les Américains faisaient leurs premiers pas sur la Lune.»

Le clou du spectacle, qui compte cinq contes : à partir de mots recueillis dans l'assistance, Jean-Marc Massie compose un dernier conte qu'il présente dans la deuxième partie du spectacle. Un défi supplémentaire pour ce sympathique hyperactif qui qualifie son travail de «récits de vie à fabuler» et de «monologues décalés».

Ces deux conteurs «rock» qui ne cessent de s'alimenter l'un et l'autre, promettent d'étonner le public. «C'est un spectacle où les gens sont amenés dans un univers auquel ils ne s'attendent pas, conclut Simon Gauthier. Ça n'a pas une forme conventionnelle, même si c'est accessible et même s'il y a une cohérence à notre démarche.»

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Hommes à scie, du 10 au 26 février au Monument-National.