Plus de 10 ans après sa création, la Maison Théâtre reprend cette très belle fable sur le deuil écrite par Wajdi Mouawad. Avec la même distribution qu'en 2000 - Julie Beauchemin, Denis Lavalou et Chantal Dumoulin (à laquelle s'est ajouté Richard Lemire) -, la même mise en scène lumineuse de Serge Marois, et surtout la même force d'une parole à la fois percutante et poétique.

On retrouve ici un thème central de la dramaturgie de Wajdi Mouawad, à savoir l'apprivoisement de la mort, qui passe notamment par la révolte. Dans une allégorie teintée d'humour qui met en scène une jeune fille, Julie (Beauchemin), confrontée à la mort de sa grand-mère. Mais qui refuse de se séparer d'elle «physiquement».

Il y a quand même un côté macabre à cette histoire dans laquelle la fillette transporte le corps de sa grand-mère dans un cagibi situé dans le sous-sol de son immeuble, s'y enfermant avec son chien, s'y réfugiant pendant près de trois semaines, couvrant sa dépouille de parfums pour chasser la mauvaise odeur, la maquillant aussi pour lui donner un peu de vie... Le récit de cette perte nous est dévoilé au cours des confidences faites au compte-gouttes par la fillette à un psychiatre interprété par Denis Lavalou (très convaincant). Avec le nom d'un lieu inventé par la grand-mère qui revient sans cesse: Pacamambo. Lieu imaginaire de notre dernier repos où «les uns sont les autres» et où «nous sommes de la couleur que nous voulons».

Une des grandes forces de la pièce se trouve dans ces dialogues surréalistes entre la grand-mère morte (Chantal Dumoulin) et le chien de Julie (interprété par Richard Lemire); comme ceux de Julie avec la Mort, à qui elle a «deux mots à dire». Des dialogues qui nous rappellent que nous sommes bel et bien au théâtre et que tout est possible! C'est également une excellente façon de dédramatiser ces scènes autrement un brin sordides.

La mise en scène de Serge Marois fait habilement la reconstitution des événements ayant conduit Julie à se couper du monde pour «vivre» ce deuil pleinement avec de petits rituels naïfs et maladroits qui pourraient être malsains (et mal vus), s'ils ne traduisaient pas aussi bien notre désespoir face à ce grand départ. D'où l'importance de ce Pacamambo, destination-soleil qui révèle notre vide spirituel comme les rapports troubles que nous entretenons avec les morts. Les éclairages de Claude Cournoyer sont en ce sens vraiment bien réussis et créent des ambiances quasi mystiques.

Avec Assoiffés, autre pièce jeunesse présentée l'an dernier à la Maison Théâtre, Wajdi Mouawad parvient encore une fois à captiver un public préadolescent exigeant, parfois bruyant, en imposant un décorum, mais aussi en déclenchant des fous rires qui, paradoxalement, nous forcent à nous interroger sur nos rapports... avec les vivants.

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Jusqu'au 30 janvier à la Maison Théâtre. Pour les jeunes de 9 à 14 ans.