Olivier Choinière poursuit son exploration de notre société à travers le spectacle. Après les images imposées du cinéma porno, il s'intéresse au pouvoir fédérateur de la chanson. Une manière pour lui de creuser, entre autres, notre obéissance volontaire.

On ne sort pas toujours d'un entretien avec Olivier Choinière avec une idée claire de ce qu'il manigance.

«Ce que j'haïs le plus, comme spectateur et comme citoyen, c'est qu'on me dise quoi penser», dit l'auteur de Félicité et concepteur de ParadiXXX. Ainsi, il n'est pas du genre à remettre les clés de ses oeuvres dans les mains des journalistes, ni même de ceux qui assistent à ces spectacles. À nous de recoller les pièces du puzzle.

À quelques jours de la première de Chante avec moi, ce qu'il s'autorise à en dire est plus intrigant qu'éclairant.

«Ce n'est pas une comédie musicale et ce n'est pas un tour de chant où on va pour assister à une belle performance musicale, établit-il d'emblée. Pour moi, ça demeure une pièce de théâtre qui prend la forme d'une longue chanson d'une heure, interprétée par 50 comédiens.»

Étant donné que les distributions d'envergure sont rarissimes - la saison dernière, la tendance était même au solo -, rassembler cinq dizaines d'interprètes sur scène constitue en soi une prise de position. «L'idée, c'est de reconstituer une société sur scène, avec une variété d'âges et des castings différents», précise le metteur en scène.

C'est à travers cette imposante distribution qu'Alexia Bürger, sa cometteure en scène, et lui explorent les notions d'obéissance et de conditionnement. Et le pouvoir insidieux de ces jingles musicaux accrocheurs prétendument sans conséquence dont on n'arrive plus à se débarrasser. «L'inoffensif devient l'ordre auquel il faut obéir: chante avec moi», résume Olivier Choinière.

Ce qui l'intéresse dans ce spectacle, c'est en quelque sorte la manière dont l'obéissance s'impose dans notre société «où il n'y a supposément pas d'ordre extérieur» et où on n'obéit apparemment à rien d'autre qu'à nos propres aspirations. «De l'extérieur, je le vois comme le système établi par cette société-là, dit pour sa part Alexia Bürger. Un système qui, à la base, est spontané, libre, joyeux, plein d'espoir et de bonne volonté... et qui fini par asservir.»

D'où la nécessité d'avoir 50 acteurs pour illustrer ce propos. On comprend que c'est en voyant ces dizaines de comédiens comme autant d'individus dotés d'une personnalité, d'un physique et d'une volonté propres suivre «le beat de l'air du temps» que le propos prendra tous son sens. «On évite la morale, parce qu'on n'arrive pas avec un message, mais avec une perspective, un angle d'approche», croit Olivier Choinière. L'idée selon laquelle la chanson est un miroir de la société n'aura peut-être jamais été aussi vraie.

Chante avec moi, du 26 octobre au 6 novembre à Espace libre.