L'affiche est séduisante. Autant que la proposition de l'auteur et metteur en scène Stéphane Brulotte.

L'idée de mettre en scène Napoléon Bonaparte, en exil dans l'île d'Elbe (en 1814), préparant son retour en France tout en étant menacé d'assassinat, est non seulement audacieuse, mais dramatiquement très riche, et pleine de rebondissements possibles.

Ajoutez à cela une solide distribution menée par Benoît Brière, dans le rôle de Napoléon, et Gabriel Sabourin, brillant dans la peau d'un jeune acteur anglais employé de force pour le distraire et l'empoisonner, et vous avez là tous les ingrédients d'un succès instantané.

Ce qui est partiellement le cas. Car en dépit de ses nombreuses qualités, on a parfois l'impression d'assister à une comédie de moeurs plutôt qu'à un drame historique.

Cette tension permanente censée peser sur l'empereur, sur sa vie qui est menacée d'attentat, on la sent peu. Le charme du tyran censé ébranler le jeune acteur dans son funeste projet n'opère pas totalement. Et ces promesses d'intrigues politiques s'avèrent finalement assez prévisibles.

Pendant près de deux heures, nous vivons un peu de l'ennui de cet empereur en retraite forcée, qui joue aux échecs, dicte des lettres, s'invente des passe-temps, comme ce jeu des épitaphes, qui consiste à réciter des quatrains à partir d'annonces nécrologiques, organise des parties de chasse... et de fesses.

Le mot de Cambronne y est également abondamment utilisé. Par Napoléon, mais aussi par tous les autres personnages qui s'y donnent à coeur joie. On rigole, on se laisse mener en bateau, mais le chemin est long avant de véritablement voir se dénouer l'intrigue.

Tout tourne autour de ces parties d'échecs, qui rapprochent le jeune Anglais, qui se fait passer pour un lieutenant, du bouillant Corse; qui servent à accentuer les traits de caractère des deux hommes, notamment le génie militaire de Napoléon; qui permettent aussi à l'Anglais (également narrateur) de l'empoisonner à petites doses.

L'auteur a quand même fait ses devoirs. Il y dépeint sommairement le contexte politique. Le règne de Louis XVIII. Il y évoque aussi les différentes campagnes de Napoléon. Que ce soit en Pologne ou en Égypte. Ses batailles, ses réalisations. Mais ces détails sont presque secondaires.

L'intention de l'auteur est, bien sûr, de nous montrer le visage humain d'un despote. Et les sentiments ambigus que l'on peut ressentir face à une telle personne. Face au pouvoir de séduction de ces têtes fortes prêtes à tout pour conquérir et pour régner.

En ce sens, le Napoléon de Benoît Brière nous apparaît plus sympathique que dangereux. Comme George W. Bush (qui a inspiré l'auteur pour l'écriture de cette pièce), proche de nombreux Américains, qui se voyaient prendre une bière avec lui. Ce qui ne l'a tout de même pas empêché de faire couler du sang en Afghanistan et en Irak.

Difficile d'imaginer comment était véritablement Napoléon dans la vie de tous les jours. Était-il blagueur? Grossier? Cabotin? Benoît Brière, qui a une indéniable présence sur scène, a composé un personnage qui lui ressemble un peu, malgré ses airs de dur à cuire. Ce qui n'est pas mauvais en soi, mais qui ne nous donne pas l'impression d'être en présence de l'«Aigle».

La mise en scène de Stéphane Brulotte, aidé de Dominic Champagne, est rondement menée. D'une scène à l'autre, une partie circulaire de la scène se met en mouvement pour placer le décor et les acteurs, ce qui donne de très belles perspectives pour le spectateur. Le jeu devant et derrière le rideau est également très efficace.

Tous les autres comédiens jouent bien leur partition. Que ce soit Lynda Johnson, Normand Lévesque, Pierre Limoges ou Denis Roy. Stéphane Breton, qui a partagé la scène avec Benoît Brière et Gabriel Sabourin l'été dernier dans la comédie Oscar, force un peu sa voix pour se donner des airs de vilain, mais complète l'heureux tableau de la distribution.

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Une partie avec l'empereur. Au Théâtre Jean-Duceppe. Jusqu'au 22 mai.