Le théâtre de Christian Lapointe ne vient pas avec un mode d'emploi. L'acteur et metteur en scène est connu pour ses propositions radicales et, même s'il se défend de faire des spectacles hermétiques, n'est pas du genre à tenir le spectateur par la main. Trans(e) n'y fait pas exception: on encaisse les 50 minutes que dure la représentation et ensuite on se casse la tête.

L'action (ou plutôt son absence) tient en une phrase: deux comédiens nus narrent l'auto-décapitation d'un(e) transexuel(le), personnage brièvement incarné sur scène par une poupée gonflable munie d'une poitrine généreuse et d'un turgescent sexe masculin. Les acteurs (Christian Lapointe lui-même et Maryse Lapierre) disent le texte d'un ton désincarné et presque sans bouger. La partition est touffue, la musique parfois assourdissante, et l'usage de stroboscopes saisit.

Il y a dans Trans(e) une volonté évidente de saturer les sens des spectateurs. L'ouïe est particulièrement prise d'assaut. Moins par les quelques séquences musicales à haut volume que par l'incessante narration à relais à laquelle s'adonnent les deux acteurs et qui ne laisse aucun répit. Pas une seconde pour apprécier quelques vers bien tournés, pas une seconde pour assimiler une idée énoncée.

Cette agression verbale à laquelle Christian Lapointe soumet l'assistance doit sans doute être perçue comme une métaphore de celle à laquelle on est soumis quotidiennement. Des tonnes d'informations nous tombent en effet sur la tête chaque jour sans qu'on puisse les assimiler, les trier et encore moins les comprendre. L'autodestruction de la figure du transexuel (symbole de l'humanité entière, à la fois homme et femme, selon le créateur) s'affirmerait ainsi comme un refus de faire partie d'un monde abhorré. Ce qui est un peu mince.

Ne reste de Trans(e) que l'impression d'une quête d'absolu, de l'envie de bombarder son prochain et celle d'un poème noir qui refuse obstinément de se laisser comprendre. Christian Lapointe amène une fois de plus à s'interroger non pas sur ce qu'il a à dire, mais sur les chemins tortueux qu'il prend pour essayer de partager une vision du monde qui prétend pourtant s'intéresser au sort de l'humanité.

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Jusqu'à demain, à la salle Jean-Claude Germain du Théâtre d'Aujourd'hui.