La comédie romantique est un genre rarement exploré par le théâtre «en saison». Amuser sans abrutir n'est pas chose facile, peuvent témoigner les scènes estivales qui assument seules (ou presque) le mandat de la légèreté.

Certains (rares) théâtres incluent à leur programmation «régulière» une pièce pour dérider et, pourquoi pas, emballer les deux ou trois romantiques qui restent encore en ce bas monde. La compagnie Jean Duceppe en est.

 

La chose s'appelle Faits pour s'aimer et a été écrite en 1981 par deux stars pâlissantes d'Hollywood. En d'autres termes: c'est sans attente aucune que j'ai pris place dans mon confortable siège de la vaste salle du théâtre.

Mais le pire n'est pas arrivé. Bien au contraire. J'ai vite été charmée par le jeu de Danielle Proulx (Suzie) et Henri Chassé (Vito), qui composent avec audace et vivacité un tandem aussi divertissant que mal assorti. Proulx, une comédienne franchement sous-utilisée au théâtre, défend avec beaucoup d'adresse son personnage d'actrice paumée déterminée à mettre le grappin sur l'élu de son coeur.

Quant à Chassé, il est efficace dans la peau d'un publicitaire au dessus de ses affaires, adepte de jolies filles et de liberté célibataire. Une dynamique à deux avantageusement mise en valeur par la mise en scène tonique de Michel Poirier.

On prend un réel plaisir à observer ces deux zigotos tenus prisonniers du loft bariolé de madame, par une tempête de neige qui s'abat sur la ville, la veille de Noël. Il faut dire qu'ils ne ménagent pas les répliques cinglantes, dans ce crêpage de chignon anaphrodisiaque qui fait douter sérieusement de la pertinence du titre de la pièce.

Suzie, qui est plus que résolue à ne point laisser Vito lui filer entre les doigts, exécute vite le grand jeu en entraînant le nonchalant séducteur dans son lit. La suite est digne d'une version comico-absurde de Fatal Attraction. Non, il n'y aura pas de lapin dans l'eau bouillante, mais aucun effort ne sera épargné par la fofolle dame pour mettre le grappin sur le pauvre homme.

Une leçon de séduction pour femmes seules et éplorées? À vos risques et périls. Reste que les tactiques déployées par Suzie ont le mérite d'être plus imaginatives les unes que les autres. Il y aura des chaussettes cachées, des serrures verrouillées et des extraits de la pièce d'inspiration russe écrite par Suzie qui mettent en valeur le talent de Danielle Proulx pour le slapstick...

Mais la comédie romantique étant ce qu'elle est, le célibataire endurci qui croit être plongé dans un cauchemar cédera, par un miracle hollywoodien, aux pressions de la dame. À défaut d'y croire, on en rit beaucoup. Et en fin de course, on a passé un bien bon moment. Ce qui n'est déjà pas mal...

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Faits pour s'aimer, de Joseph Bologna et Renée Taylor (traduction et mise en scène de Danielle Proulx), dans une mise en scène de Michel Poirier, jusqu'au 7 février à la Compagnie Jean-Duceppe.