Cinq moments marquants du gala Les Olivier.

Morency n'a pas «tué» l'éléphant

L'animateur du gala, François Morency, avait annoncé qu'il «tuerait» l'éléphant dans la pièce. L'ombre de Gilbert Rozon planait évidemment sur cette soirée, à la suite des allégations d'inconduite sexuelle qui pèsent sur lui. Or, Morency a mis plus de 11 minutes avant de faire directement référence au grand patron de Juste pour rire, sans faire de blague et sans le nommer, préférant «saluer les filles et les gars qui - dans les derniers temps - ont dénoncé des actes d'abus inacceptables». C'est un choix qui se défend. L'humour bon enfant, efficace et rassembleur de François Morency, très apprécié de ses pairs, a donné le ton à cette soirée plutôt réussie. Mais pour un «tueur d'éléphant» autoproclamé, j'ai trouvé Morency bien sage. On était loin de Ricky Gervais aux Golden Globes. C'était peut-être pour le mieux. Peut-être.

Des initiatives heureuses

François Bellefeuille, lauréat de l'Olivier du spectacle d'humour/meilleur vendeur, a décidé de mettre son Olivier aux enchères sur sa page Facebook et de remettre la somme recueillie aux Centres d'aide et de lutte contre les agressions à caractère sexuel (CALACS). Il a aussi promis d'égaler la mise et a déclaré que Juste pour rire ferait de même. «Je ne les ai pas encore avertis!», a-t-il dit en acceptant son prix. Juste pour rire a confirmé en soirée que l'entreprise serait de la partie. Une excellente initiative. «Le courage et l'humour, ce sont des choses qui sont contagieuses au Québec», a aussi dit Martin Petit, en parlant des différentes initiatives pour venir en aide aux femmes victimes d'agressions sexuelles.

La relève s'en permet... un peu

«Il y a peu de gens qui le savent, mais j'ai commencé à travailler dans le sous-sol de Radio-Canada. Je faisais les costumes. Pis Julie Snyder est venue me prendre là-bas et ç'a changé [ma vie]!» a déclaré Julien Lacroix en recevant son troisième prix de la soirée. Une rare référence à Éric Salvail. De façon générale, si je compare avec les Américains - notamment la troupe de Saturday Night Live (SNL) «pas Québec» - j'ai trouvé les humoristes québécois bien timides sur le front des inconduites sexuelles. Il y avait pourtant un potentiel comique indéniable du côté de la satire et de l'humour noir. Korine Côté et Mehdi Bousaidan ont abordé «l'éléphant dans la pièce» de manière habile à travers des trucs pour éviter les inconduites sexuelles dans un party de Noël. Mais il y a eu plus de blagues sur François Massicotte pendant la soirée que sur Gilbert Rozon...

Deux poids, deux mesures?

«Ce doit être le show le moins écrit de toute l'industrie», s'est exclamé Simon Leblanc, lauréat avec Olivier Thivierge de l'Olivier de l'auteur de l'année pour son spectacle Tout court, en grande partie improvisé. «Ç'a pas d'estifi d'allure, ce gala-là!» a-t-il ajouté spontanément. «Je n'écris pas mes textes», avait-il confié en entrevue à l'animatrice du pré-gala, Anaïs Favron, juste avant la cérémonie, étonné d'être finaliste dans cette catégorie. «Tu es le Safia Nolin de l'humour!» venait de lui confier Anaïs Favron, qui ne savait si bien dire. «Je t'aime en esti», a déclaré Simon Leblanc à son amoureuse, en conclusion de son discours de remerciement. Il était habillé d'un simple t-shirt sur scène. Je n'ai vu personne sur les réseaux sociaux hier soir reprocher au jeune humoriste son manque de décorum et son langage peu châtié (comme c'est le cas à chaque gala de l'ADISQ pour Safia Nolin).

Deux prix pour Hébert, Mazza à l'arraché

Pierre Hébert, le grand gagnant du gala (prix de la mise en scène et du meilleur spectacle d'humour), a évoqué, ému, la longue hospitalisation de son amoureuse pendant sa grossesse... avant d'ajouter qu'il ne regrettait pas d'avoir poursuivi sa tournée depuis qu'il avait ses trophées! Comique. Aucun prix de l'industrie n'a en revanche été remis hier à Mariana Mazza, pourtant finaliste dans le plus de catégories (cinq). Elle a plutôt reçu l'Olivier de l'année, remis par le public, en toute fin de gala (elle est seulement la deuxième femme à recevoir ce prix populaire après Lise Dion, en 2002). Bref, il s'en est fallu de peu pour que la soirée Les Olivier ne soit réservée qu'à un «boys club». Ironique, au moment même où le milieu de l'humour en appelle à un meilleur traitement des femmes et à une plus grande place pour les femmes...