Qui sera le nouveau propriétaire de Juste pour rire ? La question sème déjà son lot de spéculations. Mais le sort de l'entreprise devrait avant tout être scellé avec l'appui des humoristes québécois, croit Martin Petit. Les artistes du milieu se réuniront cette semaine pour discuter de la démission controversée de Gilbert Rozon, visé par de multiples allégations d'agression sexuelle.

Le grand patron de Juste pour rire a quitté ses fonctions dans la tourmente mercredi, quelques heures avant la publication par Le Devoir et le 98,5 FM des témoignages de neuf femmes disant avoir été harcelées et agressées par Gilbert Rozon. Vendredi, Juste pour rire annonçait que l'homme d'affaires allait vendre toutes ses actions de l'entreprise qu'il a fondée en 1983.

Quelle est la part des actions détenues par M. Rozon dans Juste pour rire, qui pourrait les acheter et à quel moment les actifs seront-ils mis en vente ? Autant de questions qui sont toujours sans réponse. Mishmash Média, entreprise appartenant à Alexandre Taillefer, aurait néanmoins un intérêt pour l'acquisition éventuelle de cet empire de l'humour, a confirmé une source à La Presse.

« On discute [dans les médias] de chiffres qui n'ont aucun sens », estime l'humoriste Martin Petit. « Pour moi, cette entreprise-là vaut un dollar [...]. Du moment où les humoristes décident de ne pas faire partie de cette entreprise-là, cette entreprise-là n'existe pas, ajoute-t-il. C'est normal que tout le monde ait cette discussion-là [...], mais je la trouve saugrenue. »

« Je serais curieux de savoir qui voudrait acheter le logo de quelqu'un qui, pendant 30 ans, a abusé des femmes », poursuit M. Petit, rappelant que le personnage vert et cornu de Juste pour rire personnifie directement Gilbert Rozon. « C'est probablement le plus mauvais logo à acheter au Québec. Est-ce que ma réaction serait de posséder ce logo-là, cet héritage ? Jamais. »

RENCONTRE ENTRE HUMORISTES

Les humoristes québécois ont été invités à se réunir « pour discuter ouvertement » de l'état de la situation, en début de semaine. Est-ce que par exemple des gens du milieu pourraient se regrouper pour racheter Juste pour rire et en changer l'image ? Il est trop tôt pour l'envisager. « La rencontre n'a pas d'objectifs. La première chose qu'on va faire, c'est donner la parole. »

« Il y a un premier travail [à faire], c'est le respect des victimes de s'exprimer. Il y a des humoristes qui se sentent sûrement floués. Je n'avais jamais rien vu. Je me sens hautement trahi [...]. Alors, il y a ce pus-là qui doit sortir de notre milieu. Je pense que qui que ce soit qui voudrait acheter Juste pour rire devrait attendre après cette réunion-là », soutient Martin Petit.

Parce que les humoristes sont l'essence même du succès des événements et festivals de Juste pour rire, croit-il. « Sans être des employés de Juste pour rire [...], il n'y a personne sur la Terre qui peut penser acheter un festival comme ça sans avoir 100 % de l'appui des humoristes. C'est nous autres qui gonflons le bonhomme. Là, le bonhomme, il est dégonflé. »

Selon des observateurs du milieu culturel, quelques groupes pourraient être tentés d'acquérir ce fleuron de l'humour présent dans plusieurs pays du monde, comme le Groupe CH (evenko), Québecor, le Cirque du Soleil ou même un acteur étranger.