Gagnant de neuf prix Tony, en 2012, The Book of Mormon est la comédie musicale à voir à Broadway. Mais pas besoin d'aller à New York, le spectacle sera à l'affiche six soirs à Montréal, en décembre prochain. Retour sur la plus belle surprise de la décennie à Broadway, offerte par les créateurs de South Park.

En janvier 2011, les créateurs de South Park, Trey Parker et Matt Stone, ont surpris bien du monde en signant, avec le compositeur Robert Lopez, une comédie musicale à Broadway. Surtout que leur spectacle porte sur un sujet pas vraiment lié à l'humour ou au divertissement: les missionnaires de l'Église chrétienne des mormons.

Or, cette idée s'avère aujourd'hui fort lucrative. Et quatre ans plus tard, ils peuvent dire mission accomplie!

Pour la petite histoire, en 2007, Parker et Stone sont allés voir Avenue Q à New York. Ils ont tellement aimé la comédie musicale irrévérencieuse de Robert Lopez qu'ils ont pris contact avec le compositeur pour lui faire part de leur idée saugrenue de créer un musical sur les mormons.

Ironie du sort, Lopez avait aussi la même idée en tête! Les trois artistes se sont donc mis à l'ouvrage pour signer la musique, le livret et les chansons du musical le plus populaire et acclamé à Broadway depuis The Lion King. Selon le critique de théâtre du New York Times, The Book of Mormon est carrément «la meilleure comédie musicale du XXIe siècle»!

La touche South Park

The Book of Mormon raconte l'histoire de deux jeunes missionnaires américains, Elder Price et Elder Cunningham, envoyés en Ouganda pour tenter de convertir les citoyens à la religion mormone.

Le premier est beau, fonceur, charismatique et enthousiaste avec un grand dévouement à sa foi. À l'opposé, son rondelet partenaire est un nerd maladroit, mais bien intentionné, qui a tendance à trop mentir pour se sortir de l'embarras.

À leur arrivée en Afrique, dans un village ougandais, les deux jeunes missionnaires vont frapper un mur. Et réaliser qu'il est plus facile de faire du porte-à-porte et «vendre» leur religion à Salt Lake City que dans une société en proie à la violence, à la corruption, à la misère et à la maladie. Leur mission de répandre la parole de Joseph Smith (le fondateur de l'Église des mormons) sera une folle aventure semée d'embûches. Jusqu'à ce qu'une jeune villageoise, Nabulungi, réussisse à convaincre ses concitoyens de les écouter.

Dans les faits, ce spectacle mêle l'humour caustique et osé (par moments scatologique) de South Park à une facture classique de comédie musicale. Et ça marche, car le décalage entre les deux mondes permet de mieux rire des travers d'une communauté religieuse sans tomber dans l'anathème. L'exagération a toujours de meilleurs résultats sur les planches que dans la vraie vie.

Depuis son succès à Broadway, où il faut réserver ses billets des mois à l'avance, les producteurs ont cloné la comédie musicale. Chicago a eu droit à sa production; puis Londres dans le West End; et deux troupes parcourent l'Amérique du Nord. C'est d'ailleurs l'une de ces troupes qui s'arrêtera à la Place des Arts de Montréal.

Une (surprenante) réaction

Vous avez vu la pièce... Maintenant, lisez le livre! Le livre est toujours meilleur. J'ai vu le spectacle... mais préférez le livre.

On peut lire ces slogans dans des publicités à l'intérieur des programmes du spectacle The Book of Mormon. En effet, l'Église chrétienne des mormons a acheté plusieurs pleines pages de pubs qui sont vues, chaque semaine, par des dizaines de milliers de spectateurs dans l'une ou l'autre des quatre productions du spectacle.

Bien que The Book of Mormon soit une critique satirique, une caricature féroce de la communauté religieuse, la réaction des mormons demeure très gentille, voire bon enfant. L'immense succès de la comédie musicale, qui ne dégonfle pas depuis quatre ans, a même du vent dans les voiles de l'Église.

On est bien loin de l'affaire des caricatures du prophète Mahomet, publiées dans un journal hollandais puis dans Charlie Hebdo, voilà quelques années. Ou des manifestations de catholiques outrés devant le Théâtre du Nouveau Monde, en 1979, lors de la création de la pièce Les fées ont soif de Denise Boucher.

En mars 2011, l'Église chrétienne basée à Salt Lake City a même publié un communiqué officiel pour diffuser sa position sur le spectacle de Broadway: «Cette production peut bien divertir le public durant une soirée. Or, la lecture du Livre des Mormons et ses Écritures vont changer la vie des gens pour toujours... en les rapprochant du Christ.»

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Du 2 au 7 décembre à la salle Wilfrid-Pelletier.

Jusqu'au 30 novembre au Prince of Whales Theatre, à Toronto.