Humoriste depuis 2005, le Rimouskois Fred Dubé escalade un à un les paliers de la notoriété avec un style très abrupt, engagé et à gauche. La Presse l'a rencontré avant la première, mardi au Monument-National, de son nouveau spectacle, L'ignorance fait plus de victimes que le cancer.

Quand Fred Dubé a appris que le premier ministre Philippe Couillard avait récemment participé au gala d'Éric Salvail, au Grand rire de Québec, il n'était pas de bonne humeur.

«On doit manquer d'humoristes au Québec, j'imagine, lâche-t-il en entrevue avec La Presse. Ça me met en tab...»

Âgé de 30 ans, l'humoriste le plus engagé de sa génération habite à Montréal, mais retourne régulièrement dans son Bas-Saint-Laurent. Il collabore régulièrement au journal d'opinion Le mouton noir, édité à Rimouski où il rode depuis trois ans les spectacles qu'il vient ensuite présenter à Zoofest.

Son nouveau show est son troisième, après Un long poème qui pue des pieds (2010) et Terroriste blanc d'Amérique (2013) qui lui a valu le prix du jury de Zoofest l'an dernier. Il y critiquait sans détour le système capitaliste. Fred Dubé, anticapitaliste et de sensibilité Québec solidaire, occupe une niche à part dans le monde de l'humour québécois.

«C'est le rôle de l'humoriste de prêter son micro aux sans-voix, dit-il. C'est excitant pour un jeune artiste d'arriver dans une talle et d'approfondir certains sujets. C'est comme si j'avais découvert une forêt enchantée où personne n'était allé.»

Il ajoute que de parler de capitalisme, de politique internationale, d'acculturation des masses ou d'identité québécoise peut «faire peur». «Mes shows ne sont pas des meetings, précise-t-il. C'est du rire avec une autre vision du monde.»

Chez les Dubé, à Rimouski, on est curieux et on a des «idées bien arrêtées». Tellement que sa tante de 80 ans, féministe avant la première heure, a été récemment arrêtée par la police dans son centre d'hébergement: «Elle était trop tannante...»

Tannant et comique, Fred Dubé l'était pas mal. C'est à la suggestion d'un de ses amis que ce fan d'Yvon Deschamps et de George Carlin qui cite Albert Camus dans la conversation est entré à l'École de l'humour. Il en est sorti diplômé en 2005.

Après avoir un peu bourlingué et fait quelques expériences artistiques à Rimouski, il est revenu à Montréal en 2009. Depuis, il a participé à des festivals au Québec et en France et a eu plusieurs présences à la télévision. Il a tenu pendant trois ans une chronique dans l'émission Un gars, le soir de Jean-François Mercier. L'automne dernier, il a participé, sur la même chaîne V, à l'émission Brassard en direct. Et en ce moment, il tourne pour la deuxième saison de la série Les cinq prochains qui sera diffusée au printemps 2015 sur ARTV.

Il pourrait lancer un spectacle solo d'ici deux ans, Avanti ayant pris sa carrière en main.

«Il nous avait impressionné dans Un gars, le soir. Du coup, Luc Wiseman [le boss d'Avanti] est allé le voir à Zoofest et a trouvé qu'il représentait un beau pari pour notre offre», dit Jean-Daniel Duval, agent de Fred Dubé chez Avanti.

Fred Dubé espère que son plus récent spectacle plaira au public de Zoofest avant de partir en tournée au Québec. «Il est plus ancré dans la réalité que les précédents, dit-il. J'y parle beaucoup de dépossession, du fait qu'on est en démocratie, mais qu'on est dépossédé politiquement, économiquement et de notre territoire. Voilà, c'est le dessous de la jupe de mon spectacle!»

Fred Dubé a déjà dit...

«[Stephen] Harper aurait pu être coiffeur artistique, tellement il rase bien la culture.»

«"La mort m'a permis de me séparer du Canada", a dit René Lévesque»

«La Terre est comme un manège qui tourne. Des fois, on a envie de dire: "Arrêtez, je veux descendre."»

Dis-moi...

Le conflit israélo-palestinien, comment on le résout?

C'est un sketch?! Répondre en deux lignes! C'est très drôle!! Je peux pas répondre à ça en deux lignes. Pas possible.

L'indépendance du Québec, comment on la fait?

On est à un livre de l'indépendance du Québec. On manque de connaissances par rapport à ce que c'est: un outil politique pour l'écologie, la justice sociale et notre présence sur la scène internationale.

La commission Charbonneau, utile ou pas?

Utile parce qu'il faut que des coupables paient. Mais pas très utile s'il n'y a pas une éducation populaire à la suite de ça. Car c'est un système qui a créé ces individus qui nous ont fourrés.

Une réaction par rapport aux primes perçues par le ministre Yves Bolduc?

Ce qui m'a le plus surpris, c'est que je n'étais pas surpris. Les libéraux revenant au pouvoir, je tenais pour acquis que ce genre de choses allait arriver.

La pauvreté, on peut l'éradiquer?

Oui, par l'éducation. La pauvreté, c'est une maladie socioculturelle qui se guérit par l'enseignement et par l'ouvrage. Mais faudrait aussi réduire les inégalités sociales, notamment en taxant les capitaux obtenus par héritage.

Le système électoral du Québec, comment on le réforme?

Ce n'est pas normal qu'une minorité de la population mette au pouvoir un gouvernement majoritaire. Ce n'est pas ça, la démocratie. Ça prend la proportionnelle et une démocratie participative.

Le PQ et le PLQ, c'est du pareil au même?

En spectacle, je dis que le PQ, le PLQ et la CAQ, c'est comme un chien à trois têtes. Quelle que soit la tête que tu flattes, c'est la même queue qui branle. Au moins, le PQ est indépendantiste. Et encore là... Non, c'est pas mieux.