La double vie de Louis-José Houde n'aura jamais été aussi évidente qu'au cours de la dernière semaine. Samedi dernier à Paris, l'humoriste de 36 ans a terminé une série d'une dizaine de spectacles intimistes au Point Virgule, une salle de 110 places du Marais - rien à voir avec les 800 sièges du Monument-National qu'il remplit plusieurs mois à l'avance à Montréal. Puis, il a pris l'avion pour revenir au Québec, où il est le grand favori du gala Les Olivier, dimanche, avec sept nominations (son plus proche rival, André Sauvé, en a quatre).

«Ces nominations me troublent profondément, je trouve que c'est trop, dit-il en entrevue à La Presse. Je suis très flatté, car il y a énormément de bons spectacles qui sont sortis cette année. Je n'ai aucune attente. Si tu savais dans chaque catégorie comment quelqu'un d'autre peut gagner, et ce serait mérité et logique.»

Aucune attente, donc, mais tout de même un peu de préparation. «Je prépare un mot de remerciement pour chaque catégorie, pour ne pas avoir l'air cave en avant», dit-il.

Mais à Paris, où il vient de passer les deux dernières semaines dans une salle de 110 places, Louis-José Houde ne fait pas partie des ténors de l'humour et n'a pas l'ambition d'en devenir un. «Tant mieux si ça arrive, mais je suis peut-être trop terroir québécois, un peu trop champ gauche pour ça», avance-t-il.

Au fond, Louis-José Houde se paie un luxe que peu d'artistes peuvent se permettre: être au sommet de son art (au Québec) tout en revivant les moments grisants d'un début de carrière (en France).

«Un trip à temps partiel»: voilà comment il résume son aventure parisienne, qui a commencé en 2011, entre Suivre la parade (son deuxième spectacle solo) et Les heures verticales. «Je suis vraiment un maniaque de la scène, dit-il. D'habitude, les humoristes vont souvent faire de la radio ou de la télé [entre leurs tournées], mais je voulais expérimenter le stand-up ailleurs. Le but, c'est de m'améliorer comme humoriste.»

Qui dit vouloir s'améliorer dit prendre des risques. «C'est un combat d'une heure chaque soir, mais c'est tellement satisfaisant quand ça marche bien. Un show l'fun devant 100 personnes est aussi l'fun qu'un show réussi devant 1000 personnes. Un show difficile devant 1000 personnes, c'est quelque chose. Mais devant 100 personnes, c'est vraiment plus difficile. En général, les Français sont plus réservés et moins habitués à notre style de stand-up comic

«Même si Jamel Debbouze et Gad Elmaleh ont rendu le genre plus accessible, il reste que ce n'est pas facile», dit Louis-José Houde, qui écrit par ailleurs des chroniques littéraires dans La Presse+.

Les conditions de travail ne sont évidemment pas les mêmes. «Passer de 100 à 2000 places, je l'ai fait plus jeune, dit-il. C'est comme faire du vélo: ça ne se perd jamais.» La «loge» du Point Virgule donne toutefois lieu à des drôles de situations. «Comme plusieurs petits théâtres à Paris, il y a quatre spectacles par soir, un à l'heure, dit-il. Les autres artistes sont super sympathiques, mais on partage tous la même salle [minuscule, comme loge]. Après ton show, quelqu'un a pris ton linge et l'a mis ailleurs. Ou bien tu te concentres à deux secondes d'embarquer et quelqu'un vient te parler d'autre chose. Je trouve cet aspect plus difficile.»

Paris en parallèle

Pas question, donc, pour Louis-José Houde de privilégier la France au détriment du Québec.

«Il faut être conscient que ce que nous avons au Québec [en humour] est unique, dit-il. Ce que j'ai construit au Québec, je ne veux jamais l'abandonner. Paris, c'est un projet parallèle auquel je consacre beaucoup d'énergie quand je suis hors circuit au Québec de toute façon. Et au-delà de l'humour, c'est une expérience de vie. J'ai commencé ce métier-là jeune, à 20 ans, et je n'ai pas voyagé comme mes amis. Ç'a été vite, j'ai tout mis mon énergie là-dessus [sur sa carrière], c'est l'fun de vivre ça [vivre à Paris] depuis trois ans.»

Routine parisienne

S'il aime profiter de Paris, Louis-José Houde a une routine bien établie quand il est en spectacle. Récit d'une journée de travail typique dans la Ville lumière.

12h : Séance vidéo

«J'enregistre chaque spectacle et je réécoute des extraits de la veille. Si quelque chose s'est amélioré, je vais réécouter pour m'en souvenir. Certains soirs, tu tombes sur le bon phrasé. Quand tu es en construction comme c'est le cas ici, tu dois t'enregistrer et réécouter. Un ou deux mots font toute la différence dans un gag.»

14h : Écriture

Une partie de l'après-midi est consacrée à ses autres projets. Il se réfugie ainsi au moins une heure par jour dans les cafés pour écrire. «Les heures verticales, je l'ai pas mal écrit ici l'an dernier», dit-il. Au cours des deux dernières semaines, il a plutôt élaboré les gags du prochain gala de l'ADISQ, qui n'aura lieu que l'automne prochain. «Hier soir, ça m'a pogné en rentrant de veiller, j'étais un peu «chaudaille», et j'ai rempli quelques pages de mon cahier.»

17h : Jogging (léger)

L'objectif est d'aller courir chaque jour le long de la Seine. «Je suis un peu sloppy ces jours-là. Quand tu viens ici quatre mois, tu n'as pas le choix de courir. Tu ne peux pas seulement manger.»

19h30 : Sieste d'avant-spectacle

Sa sieste d'une heure, voilà un rituel auquel il ne déroge jamais. «Juste avant de jouer, dit-il. Des fois, je me réveille à 8h30 et je joue à 9h15. Mais mon appart est juste à côté de la salle de spectacle...»

21h15 : Place au spectacle

Il monte sur scène au Point Virgule. Enfin, quand le spectacle précédent termine à l'heure...