Elle est coquine, elle a du chien, elle est sexy et elle chante divinement! pour reprendre l'expression de son personnage Sally Bowles. Brigitte Boisjoli illumine la comédie musicale Cabaret mise en scène par Denise Filiatrault, qui vient tout juste de prendre l'affiche. Je n'avais pas vu son adaptation de 2004, qui mettait en vedette Sylvie Moreau, mais je peux vous dire que cette version-ci est promise à un bel avenir.

La chanteuse de Fruits défendus, découverte il y a quelques années dans les rangs de Star Académie, a de la voix (on est dans le suraiguë, je vous avertis), mais si elle triomphe, c'est par sa présence et son charisme. Parfaitement dirigée par Mme Filiatrault, elle parvient à composer un personnage tout à fait crédible, celui d'une chanteuse de cabaret volage qui tombe amoureuse d'un jeune écrivain américain.

Malgré le caractère festif et décadent de cette pièce créée à Broadway en 1966, puis popularisée dans les années 70 par Liza Minnelli dans le film de Bob Fosse, Cabaret aborde une période sombre: celle de l'Allemagne pré-nazie. Nous sommes à Berlin, dans les années 30. Au Kit Kat Club, dernier bastion de ces années folles, dernier espace de luxure et de liberté avant que n'éclate la guerre.

Dès le numéro d'ouverture, le maître de cérémonie du club nous invite à laisser nos soucis de côté... Luc Guérin, dans ce rôle, est la révélation de ce spectacle. Une véritable bête de scène! Le comédien qui chante et danse avec fougue et talent est le liant de tous ces numéros chorégraphiés avec soin par Chantal Dauphinais. Avec la complicité d'un orchestre qui surplombe la scène, il domine la distribution de ce jouissif Cabaret.

Deux histoires composent le canevas du texte écrit par Joe Masteroff. À commencer par celle de Sally Bowles et Clifford Bradshaw, ce jeune écrivain au passé homosexuel. Une histoire d'amour à tous points de vues improbable vous l'aurez deviné. Éric Paulhus joue bien cet amant à la sexualité ambiguë, prêt à fonder une famille avec Sally! Pareil pour Vitali Makarov, parfait dans le rôle du nazi Ernst Ludwig.

L'autre histoire met en scène la vieille tenancière d'une pension, Fraülein Schneider, qui tombe amoureuse d'un marchand de fruits, Herr Schultz. Élisabeth Chouvalidzé et Yvan Benoît forment ici un duo extrêmement attachant. On a particulièrement apprécié la chanson de l'ananas! Le drame de Cabaret passe par eux, puisque monsieur est juif, et que sa Fraülein renoncera à cet amour tardif par peur de représailles.

La deuxième partie fait tranquillement place à la sombre réalité politique de l'Allemagne. On aurait d'ailleurs aimé voir des signes plus visibles de ce nazisme montant durant la première partie. Toujours est-il que la fête continuera encore un peu dans ce cabaret où «la vie est magnifique». Jusqu'à ce que le maître de cérémonie lui-même arbore son étoile jaune.

Un spectacle d'environ 2h30, qui passe en coup de vent. Deux heures trente sans soucis, ce n'est pas rien.

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Jusqu'au 31 mars à la salle Pierre-Mercure du Centre Pierre-Péladeau.