C'était mercredi soir à l'Olympia la première du show «full franglais» de Sugar Sammy, You're Gonna rire!, première d'une longue série de spectacles tant la proposition a séduit les acheteurs de billets. Et qu'est-ce que ça donne un show «franglais»? Eh bien, we have beaucoup ri. Ou full rigolé, c'est comme vous voulez. Mais sachez que ce spectacle est un cauchemar pour les unilingues. À 50,5% en anglais, et 49,5% en français - clin d'oeil au résultat référendaire de 1995.  Pas de traduction, débrouillez-vous.

En fait, le gars semble possédé par tous les accents, c'est l'un de ses moteurs humoristiques. L'accent haïtien, indien, latino, arabe, américain, français, et, bien sûr, l'accent québécois, sûrement celui qui le fait le plus rire. Il souligne ce tic nerveux du Québécois, qui lance sans arrêt «En français s'il-vous-plaît!!!», comme un vrai casse-pied. Il est assez rare que le spectateur québécois se fait brasser la cage de cette façon, mais il n'est qu'une des nombreuses cibles de Sugar Sammy, car dans l'univers de l'humoriste, il n'est pas majoritaire. Tout le monde y passe. Et ça se passe très loin du politiquement correct, une névrose qu'il trouve «cute». Chaque fois que Sugar Sammy écorche les particularités de chacun, il utilise ironiquement le slogan du NPD, «travaillons ensemble».

Ce public mélangé lui sert beaucoup. Mais il sait l'unifier sur des sujets qui font l'unanimité, comme les relations hommes-femmes, le sexe ou le hockey. À propos de Scott Gomez, il dit «moi, je sais qu'il faut payer les latinos uniquement quand le job est fait». Ça vous donne une idée. Il aime aussi railler les classes sociales, montrant du doigt les différents groupes ethniques de son public selon les préjugés, c'est-à-dire qui peut se payer des places à l'avant ou à l'arrière. Un seul spectateur américain, à l'arrière, a reçu ce commentaire: «Les temps sont durs, hein?». En fait, Sugar Sammy se permet à peu près tout, et c'est précisément ce qui fait sa force.

Sugar Sammy a beau être l'une des vedettes montantes de la Planète Rire, c'est quand même tentant d'être un peu prophète en son pays. Et l'humoriste représente parfaitement le Montréal d'aujourd'hui, son multiculturalisme et son bilinguisme, dans ses forces comme dans ses paradoxes, n'en déplaisent aux ardents défenseurs de la Loi 101. D'ailleurs, si Sugar Sammy peut faire un show «franglais», c'est justement parce qu'il est un enfant - plutôt rebelle - de la Loi 101. Ce concept de show est une bonne idée, avec en première partie des humoristes qui jouent le jeu, car Sugar Sammy a environ une heure de matériel seulement, et on en aurait pris un peu plus - au risque de sortir de la salle avec un dédoublement de personnalité...