Pour la huitième fois, les Zapartistes s'apprêtent à zapper l'année avec leur traditionnelle revue de l'actualité politique. Mais cette année, au Métropolis, il y aura un grand changement: François Parenteau, docteur en imitation de Jean Charest et de Stephen Harper, ne sera pas de la partie. Qu'à cela ne tienne: Vincent Bolduc et Jean-François Nadeau, deux petits nouveaux, viendront prêter main-forte à la bande. Et selon les premiers échos, les fans ne risquent pas d'être déçus.

Trois moumoutes, deux postiches, un chapeau, des lutrins et un pied de céleri. Voilà en résumé la totalité des décors, costumes et accessoires auxquels les cinq membres des Zapartistes feront appel sur la scène du Métropolis, du 27 au 30 décembre, lors de la revue Zap 2011. C'est Christian Vanasse, 42 ans, conseiller municipal de Saint-Jude, improvisateur-né et une des étoiles de la LNI, qui vient de m'en faire l'énumération dans un café du MileEnd à quelques rues seulement des bureaux de production des Zapartistes.

Mais plutôt que de se désoler de la pauvreté de ses moyens de production, Vanasse, un fils de cultivateur né à Saint-Nazaire d'Acton, en est plutôt fier. Tout comme il est fier du fait que, bon an, mal an, les Zapartistes n'ont cessé de remplir leurs salles. Au début, les salles avaient à peine 40 places. Mais avec le temps, les salles ont grossi et l'auditoire aussi, tout cela sans marketing-ting-ting.

Sans Parenteau

Nous sommes au lendemain de la générale de Zap 2011 qui a eu lieu en circuit fermé, dimanche dernier au Lion d'or. Les Zapartistes avaient invité leurs proches et amis, exigeant d'eux comme seul prix d'entrée leurs commentaires à la fin de la performance. «Tout s'est bien passé, raconte Vanasse, les gens ont ri aux bonnes places. On a su assez vite qu'on ne s'était pas trop fourrés et qu'on était en business.»

Cette générale était d'autant plus importante que c'était la première fois que François Parenteau, un des piliers des Zapartistes, brillait par son absence. La première fois que Christian Vanasse, François Patenaude et Brigitte Poupart montaient sur scène avec leurs lutrins, mais sans lui.

«Quand François nous a annoncé qu'il voulait prendre un break et passer des Fêtes normales sans vivre la pression d'un show, ç'a été un choc, raconte Vanasse. Je n'étais pas complètement étonné, ça se préparait depuis un certain temps, mais quand c'est devenu officiel, il a fallu décider de quoi. Sur le coup, on s'est dit que c'était peut-être fini. C'est un gros morceau qu'on perdait. En même temps, on sentait qu'il se passait de quoi socialement et politiquement avec les indignés, avec les mouvements de protestation contre le gaz de schiste, avec le Printemps arabe et tout, alors on en a discuté longtemps en gang et avec Nadine Vincent, notre oeil conseiller. À la fin de l'exercice, les oracles nous ont dit qu'on n'avait pas le choix: il fallait qu'on fasse le show. Mais surtout, il fallait qu'on décide avec qui on voulait travailler.»

Deux recrues

Dire que les candidats se bousculaient au portillon serait un brin exagéré. Les Zapartistes font un humour politique, nationaliste, engagé, pas très rentable et surtout pas nécessairement populaire auprès des jeunes humoristes qui veulent se faire un nom et devenir riches, vite. Leurs moyens de production sont limités et, contrairement à la tendance générale, les Zapartistes passent des mois et des mois non pas à répéter leurs sketches, mais à discuter et à débattre, puis à écrire et à peaufiner leurs textes. Dans de telles conditions, les appelés risquaient d'être aussi peu nombreux que les élus. Le contraire s'est produit.

«On s'est rendu compte qu'il y avait plus de monde qui voulait faire partie de notre trip qu'on le pensait. Ç'a été une découverte assez agréable pour nous. D'autant plus que l'exercice nous a obligés à sortir de notre cercle fermé, à parler à d'autre monde et à rencontrer des jeunes qui avaient vraiment le goût de travailler avec nous. En fait, on est un peu revenus à nos sources dans la mesure où les Zapartistes ont commencé par être un collectif lousse et ouvert avant de devenir un cercle fermé. Or aujourd'hui, on revient à nos racines.»

Au bout de l'exercice, deux recrues se sont imposées: d'abord Vincent Bolduc, un enfant-vedette qui a commencé sa carrière à l'âge de 10 ans en faisant des imitations de Hi-Ha Tremblay avant d'incarner l'attachant Napoléon Bordeleau, le petit frère d'Émilie, dans Les filles de Caleb. À la fin de l'adolescence, le jeune comédien a changé son fusil d'épaule et a décidé de devenir auteur. Il n'a pas tardé à être accepté en écriture à l'École nationale de théâtre. Le soir, après ses cours, Bolduc était un habitué de l'Aparté, un petit café en face de l'ENT où François Parenteau, Fred Savard et Christian Vanasse faisaient leurs armes d'humoristes.

«Vincent a une histoire spéciale avec nous dans la mesure où il a assisté à la fondation des Zapartistes. Quant à Jean-François Nadeau, notre deuxième recrue, un comédien, improvisateur et slammer dans le groupe Avec pas de casque, était aussi un fan des Zapartistes. C'est lui, cette année, qui fait Jean Charest, un Jean Charest beaucoup plus absurde, burlesque et théâtral que celui de Parenteau, mais qui passe la rampe aussi bien.»

Espoir et action

Contrairement à l'équipe du Bye Bye, qui vit dans le culte du secret et refuse de dévoiler le moindre gag de sa revue de fin d'année, Vanasse est un livre ouvert, qui livre pêle-mêle les grandes lignes de Zap 2011. Or, pour lui, l'année qui vient de s'écouler est une année placée sous le signe de l'espoir et de l'action.

«L'an passé, on nageait dans le cynisme absolu. Cette année, c'est le contraire. Les gens se sont organisés, ont bougé, sont montés au front, ont protesté et occupé des places. Pas grave si le Printemps arabe est devenu l'hiver islamiste ou si les indignés ont été délogés. Tout cela m'apparaît comme une répétition générale pour la grosse vague de contestation qui va se réveiller au printemps», dit Vanasse en exultant.

Reste que si l'espoir et l'action citoyenne sont un atout pour la démocratie, il faut se lever de bonne heure et déployer des trésors d'ingéniosité comique pour en rire. Vanasse le concède, mais affirme qu'il y a malgré tout, matière à rire. Côté politique et politiciens, la matière est abondante et permet aux Zapartistes de tourner en dérision aussi bien Charest et son Plan Nord, conçu pour nous distraire de sa commission bidon, que Harper et ses obsessions royales en passant par le maire Labeaume, PKP et son Colisée, sans oublier François Legault, l'ADQ, la CAQ et un sketch sur les artistes qui croient que se déshabiller pour Centraide est le nec plus ultra de l'engagement.

Comme chaque année, il y aura des absents, sacrifiés sur l'autel de l'efficacité comique. Ce sera le cas de Françoise David, Denis Coderre et le Congo, qui n'ont pas su trouver de forme comique percutante. Quant au procès Shafia, les Zapartistes auraient bien aimé en rire. Ils y ont renoncé devant la délicatesse du sujet et aussi par respect pour les quatre femmes qui ont perdu la vie. «Tout ce qu'on dit à ce sujet, c'est: on n'a pas trouvé la ligne comique. On s'en excuse.»

Après avoir testé leur matériel en région, notamment à Saint-Hyacinthe, où Christian Vanasse a grandi, les Zapartistes nouvelle manière seront ce soir à Longueuil, où ils affichent complet depuis des semaines. Ils poursuivront leurs frasques à Laval le 21 décembre avant de débarquer avec leurs lutrins et leur pied de céleri au Métropolis pendant quatre soirs. Puis, à compter du 6 janvier, ils reprendront la route: Trois-Rivières, Gatineau, Québec, Sherbrooke et Terrebonne. La tournée se terminera le 15 janvier, date à laquelle les Zapartistes rangeront les lutrins et les trois moumoutes et recommenceront à prendre des notes pour mieux zapper 2012.