Le concept du one-man-show de Stéphane Poirier ressemble à un défi: donner 26 spectacles en 31 jours dans autant de villes différentes suivant l'ordre de l'alphabet. Hier soir, il en était à la lettre M pour Montréal, la Moitié, le Milieu de sa tournée De A @ Z...

Avec très peu de moyens mais beaucoup de volonté, Stéphane Poirier présentait donc hier son spectacle au Petit Medley rue Saint-Hubert. Salle modeste, mais chaleureuse, qui peut se remplir assez facilement - c'était le cas - tout en offrant le cadre idéal au stand-up comic dans sa plus pure tradition. Et c'est souvent la meilleure arène de l'humoriste.

Stéphane Poirier roule sa bosse depuis plusieurs années, depuis sa sortie de l'École nationale de l'humour en 2003; on l'a vu dans plusieurs galas Juste pour rire, entendu à la radio, vu à VRAK.TV, il est le voisin de Jean-François Mercier dans Un gars, le soir. C'est, à n'en pas douter, un professionnel de l'humour. Une révélation? Non. Le jeune humoriste de 31 ans représente en quelque sorte, mais certainement pas à lui seul, ce qui cloche dans l'industrie de l'humour au Québec, qui souffre de plus en plus du conformisme. C'est-à-dire que malgré leurs talents, les humoristes émergeants semblent tous sortis du même moule, et se partagent une tarte de sujets qui se résume toujours à la même recette et aux mêmes ingrédients.

Bien sûr qu'en humour, on ne réinvente pas la roue. Les relations hommes-femmes, les petites bibittes de la vie quotidienne, le sexe ou la famille, sont des ressources éternellement renouvelables de la blague. Tout est une question d'angle. Mais pourquoi cette impression d'avoir entendu mille fois ces blagues, dites de la même façon? On ferme les yeux, et la voix qu'on entend est un mélange parfait de Louis-Josée Houde et Mike Ward. C'est à se demander si les humoristes n'ont pas tous le même prof de diction. À vrai dire, c'est presque inquiétant.

Ces jeunes humoristes, si perfectionnés sur scène, sont peut-être meilleurs que les débutants d'hier, mais tellement moins pertinents et rafraîchissants. Ce qui manque, c'est un brin de délire, de folie, une conquête de nos rates par une parole et un esprit incarnés.

Malgré une performance tout à fait adéquate, cela manque cruellement d'originalité, sauf dans le concept de la tournée. Mais un concept ne fait pas les textes...

Dans cette forme du stand-up qui aligne les blagues à un rythme fou sans grand souci de cohérence entre elles, il y en a toujours des bonnes - c'est la formule sans risque, puisqu'il y en a pour tous les goûts. Encore faut-il bien les livrer, ce que Stéphane Poirier sait faire, c'est évident. Et bien sûr qu'on a ri sincèrement par endroit. Quand il raconte que Pythagore ne pouvait rien pour lui dans un triangle amoureux, quand il interprète en français les chansons d'AC/DC, Metallica ou Def Leppard, quand il révèle son extase dans un Walt-Mart - peut-être le numéro le plus pervers de la soirée, on en aurait pris davantage...

Stéphane Poirier a du talent. Il est drôle. Il est professionnel. Il a tout ce qu'il faut. Ce qu'il lui reste à faire, c'est de se démarquer.