Faiçal Moulid n'était pas seul sur sa boule quand il y est remonté pour exécuter ce salto arrière qui, par deux fois, venait de l'envoyer sur la piste.

Pendant que l'acrobate enlevait le sable de ses chaussons et se reconcentrait sur ce mouvement mille fois exécuté, on sentait monter la tension, cette énergie que le performer de talent, au cirque ou ailleurs, utilise à des fins créatrices.

Inspiration, tension, détente, envol... Après sa réception parfaite, au troisième essai, le sourire de Faiçal montrait plus que satisfaction ou soulagement: il disait à la foule «merci, merci d'avoir compris...»

Dans le Grand Chapiteau Blanc de Cavalia, les 2000 spectateurs souriaient aussi, après ce premier instant d'émotion vive. Et le cheval, créature de grâce et de beauté qui reste la grande star de ce spectacle unique, n'avait pas encore investi la piste. Le bonheur était encore à venir.

Cavalia revient en ville dans une version renouvelée, mais on s'en réjouissait mardi, toujours fidèle à la formule qui, depuis six ans, a attiré 2 millions de spectateurs en Amérique et en Europe: ce mariage original des arts du cirque avec l'art équestre, célébré dans un cadre scénique et technologique grandiose.

Ici, une dizaine d'acrobates marocains - ils viennent de se joindre à la tournée - montent des pyramides humaines impossibles ou traversent la scène, la plus grande du monde, en d'époustouflantes séries de tumbling. Traditionnel mais à ne pas essayer à la maison. Là, littéralement au bout de leur corde, des voltigeuses tournoient au-dessus de la piste où, en des retrouvailles parfaitement coordonnées, elles viennent conjuguer leur grâce à celle de deux étalons blancs que montent des cavaliers discrets, mais tout à leur mission.

Malgré la qualité indéniable des numéros de mât chinois ou de bungee, les grands moments de Cavalia - et on a avantage à ne pas l'oublier - restent ceux où le cheval a toute la scène. Cavalia ne saurait faire sans la voltige en ligne - et la musique de Michel Cusson qui nous rappelle que c'est rock'n'roll - ni sans la spectaculaire poste hongroise (Estelle Delgado debout sur les deux chevaux d'en arrière et menant, aux rênes longues, les chevaux de devant!).

Mais même les non-initiés voient l'art dans le «Percussion» d'Estelle Delgado qui monte Gracioso, un danseur classique, le même cheval espagnol qui fait équipe avec Géraldine Boutet - elle-même formée en Espagne - pour le numéro de haute école, très applaudi mardi. Comme ce magnifique carrousel qui débute avec les six Lusitaniens de l'élevage Delgado - les premières vedettes de Cavalia - et qui se termine sur un épaule-en-dedans à 10, dans une figure appelée quinconce où, en alternance, les chevaux font face à des directions opposées. Du grand art, oui.

Tonner, lui, est plus pour le plaisir... débridé. À sa première présence en piste devant public, le jeune étalon arabe a pris des raccourcis à travers la scène au lieu de suivre la piste, cherché, pour le simple plaisir de la chose, à mordre la queue de ses congénères de la «grande liberté» où Sylvia Zerbini travaille avec huit chevaux. Comme on dit autour de l'échangeur Décarie, y'a pas mal de trafic!

La foule, «horse people» comme les autres, a ri des incartades de Tonner qui, après maints rappels à l'ordre de la maîtresse, a fini par prendre sa place dans les rangs et le numéro s'est terminé dans la discipline. Mme Zerbini faisant même reprendre la révérence, exécutée avec trop de nonchalance à son goût par l'un des trois Arabes qui restent pour le final du nouveau numéro, plein de promesses, de la nouvelle Poster Girl de Cavalia.

Cavalia: s'il fut jamais un spectacle total...

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Cavalia: sous chapiteau, à l'intersection des autoroutes Métropolitaine et Décarie, jusqu'au 1er juin; info: www.cavalia.net