C'est devant des spectateurs sympathiques que s'est produit le conteur Michel Faubert jeudi dernier (comme il le fera les deux prochains jeudis de janvier), dans un Studio-théâtre bondé pour son Fantôme dans la télévision et autres fantastiques récits de la vie surprenant à plus d'un titre.

Surprenant principalement parce que le contraste, qui est la marque de commerce du conteur depuis ses débuts dans les années 90, est plutôt absent du Fantôme dans la télévision... Et cette absence de contraste est remarquable dès que Michel Faubert entre en scène: il nous avait habitués jusqu'ici à des allures vestimentaires plus rock, qui établissait une opposition intéressante entre histoires d'un autre temps et conteur aux apparences plus contemporaines, mais il a cette fois revêtu chemise blanche et cravate noire, ce qui lui donne un air de «jeune mononcle qui va vous conter des histoires».

 

C'est aussi la première fois que Faubert fait appel essentiellement à des instruments traditionnels - bombarde, flûte, tambour, etc., très bien joués par Daniel Roy - avec quelques boucles d'échantillonnage ici et là. Encore là, c'est surprenant de la part d'un conteur qui a marqué les mémoires parce qu'il faisait intervenir dans ses spectacles la guitare électrique saturée ou un groupe rock alternatif.

Si l'absence de contraste s'était limitée à cela, on n'en aurait même pas parlé. Mais cette même absence est criante dans les contes de Michel Faubert, qui signe pour la première fois presque tous les textes de son spectacle.

Depuis plus de 15 ans, Faubert a l'habitude d'entremêler légendes ancestrales, qui ont traversé le temps, et propos plus actuels, de sa main. Cette fois-ci, c'est un peu comme si le contraste était devenu à son tour un fantôme, qu'on devine à peine...

Histoire d'enfance

Car, pour ce nouveau spectacle qui s'articule autour du thème de la perte de l'innocence et des illusions, le conteur a plutôt choisi de raconter, en première partie, des histoires d'enfance et d'adolescence (évoquant le plus souvent son propre passé). Ont complètement disparu les contes, pourtant annoncés en entrevue, sur une petite fille et ses amis imaginaires-lutins ou sur l'homme-loup-garou porteur d'un lourd secret.

La deuxième partie, elle, est constituée principalement d'un conte d'origine amérindienne, avec le soutien visuel de trois télévisions, dans lesquelles le dramaturge huron Yves Sioui prend à son tour la parole. Ce conte est suivi d'un rap portant sur la compagnie Rigaud Granite. Dans les deux parties, deux «chapelets» d'historiettes plus légères font ce qu'ils ont toujours fait dans les spectacles de Faubert: ils viennent alléger l'atmosphère.

Seulement, l'atmosphère n'est pas très lourde dans ce «Fantôme», et les historiettes prennent donc beaucoup plus d'importance, donnant à l'ensemble un côté charmant, «cute»... mais ce n'est pas, ce n'est jamais parce qu'ils sont «cute» qu'on aime habituellement les spectacles de Michel Faubert.

C'est parce qu'ils sont dérangeants. Que leur morale nous échappe parfois. Qu'ils révèlent un univers plus sombre ou étrange. Que ses contes évoquent le mystère, c'est-à-dire tout ce qui résiste à l'esprit cartésien, mais qui existe tout de même.

En s'appuyant beaucoup sur des histoires personnelles, Michel Faubert donne un spectacle qui tient souvent de l'anecdote... parce que ses histoires à lui n'ont toujours pas passé l'épreuve du temps. Faubert a un don, le don de passeur. Il devrait le garder jalousement, le protéger, au mépris de la mode, des engouements et des tendances. Comme le temps, ça passe les engouements...

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Michel Faubert en spectacle les 22 et 29 janvier, au Studio-théâtre de la PDA.