Un «rare et exceptionnel» carnet rédigé de la main d'Émile Nelligan sera vendu aux enchères mardi prochain et risque fort de demeurer entre les mains d'un collectionneur privé, au grand dam de certains amateurs de poésie montréalais.

Le livre de 212 pages a été recouvert d'une minuscule écriture par le poète à partir du mois d'août 1913, selon la description de l'Hôtel des encans d'Iégor de Saint Hippolyte, la maison qui assure la vente.

Il ne contient aucune oeuvre originale de Nelligan, mais plutôt des extraits de poèmes ou de textes copiés par l'artiste à partir d'autres livres. À l'époque, le jeune homme était interné à l'hôpital psychiatrique Saint-Jean-de-Dieu.

«C'est un de nos grands poètes, alors [ses objets] c'est toujours extrêmement important, extrêmement intéressant», a affirmé M. de Saint Hippolyte, dont le coup de maillet déterminera le nouveau propriétaire de l'article. Il prévoit que la vente devrait rapporter de 10 000 à 15 000$.

Le carnet est important parce qu'il contient des textes qui «ont pu l'influencer» et aussi «parce qu'il n'y a pas beaucoup de manuscrits d'Émile Nelligan», a ajouté Silvia Casas, spécialiste des livres rares au sein de la maison. «C'est recouvert de pattes de mouche. C'est très particulier, très impressionnant à voir.»

Bibliothèque et archives nationales du Québec (BAnQ) a indiqué à La Presse ne pas être intéressée par l'achat du carnet. «Le carnet qui est aux enchères est semblable à deux autres que BAnQ détient déjà», a indiqué Claire-Hélène Lengellé, responsable des relations avec les médias. «Pour cette raison, BAnQ ne cherchera pas à acquérir ce carnet.»

Ce n'est pas la première fois que la vente aux enchères d'écrits de Nelligan fait la manchette. En 2013, une copie réputée manuscrite du célébrissime Vaisseau d'or avait été offerte sur le site d'encan eBay.

L'étudiant Félix Brabant et son comparse Nicolas Groulx avaient monté une campagne éclair pour amasser les dizaines de milliers de dollars nécessaires à l'achat de l'article. Ils voulaient que celui-ci demeure au Québec, entre les mains d'une institution publique.

Aujourd'hui, Félix Brabant s'inquiète pour le carnet d'asile qui s'apprête à être vendu.

«Le pire scénario, selon moi, ce serait qu'un acheteur privé l'achète et le garde jalousement chez lui, ce qui risque peut-être d'arriver, a-t-il dit en entrevue téléphonique. Ce serait bien que des historiens et des spécialistes puissent y avoir accès. Ce serait bien aussi que le public puisse le voir.»

Selon lui, toute la controverse qui a éclaté l'an dernier autour de l'implication d'un tiers - Louis Dantin - dans les poèmes attribués à Émile Nelligan pourrait profiter de l'éclairage apporté par ce carnet d'asile.