Comédienne, slameuse, militante, diplômée en relations internationales, Catherine Dorion s'est fait connaître du grand public avec ses vidéos YouTube durant les deux dernières campagnes électorales. Dans Les luttes fécondes, l'ex-candidate d'Option nationale livre un vibrant plaidoyer en faveur de la liberté. Rencontre avec une jeune femme qui refuse furieusement le conformisme.

Catherine Dorion n'aime pas les contraintes, les obligations sociales, le prêt-à-penser. Celle qui a été candidate pour Option nationale dans Taschereau en 2012 et 2014 (elle était la candidate la plus populaire de son parti après le chef, Jean-Martin Aussant) revendique la liberté totale, en amour comme dans sa vie professionnelle et son engagement politique.

Dans un texte vibrant qu'elle publie ces jours-ci, elle dresse un parallèle original entre la soif de s'engager et le désir amoureux, affirmant que les deux impulsions partent de la même source et devraient se déployer libres de toute contrainte.

La maman de deux petites filles âgées de 2 et 5 ans refuse tout enfermement, que ce soit dans un couple, un emploi ou un parti politique. Surprenantes pour les uns, courageuses pour les autres, les positions de la jeune femme ne laisseront personne indifférent.

«On a tellement intégré les cadres qu'on ne les voit même plus, lance Catherine Dorion en entrevue. En amour, on s'enferme dans un couple et on y reste même quand l'amour n'y est plus. C'est la même chose en politique: on est prisonnier de partis, d'institutions, on essaie de mater la belle énergie qui nous a fait nous engager au début. Quand l'"organisationite" se referme sur le mouvement populaire, la folie s'en va, le désir aussi.»

Se reconnecter à l'impulsion

Qu'elle parle d'amour ou d'engagement social ou politique, Catherine Dorion décrit le même élan, celui qui part de «là» (elle montre du doigt son plexus), une énergie à laquelle elle souhaite rester connectée, sans compromis.

«J'étais super active en 2012, durant le printemps érable, raconte-t-elle. Il y avait une super belle énergie, les gens étaient dehors, dans la rue. Il y avait de beaux élans et on se donnait une liberté. Puis des gens ont voulu organiser tout ça. Pourquoi? En faisant cela, on casse le mouvement.» 

«C'est la même chose en amour: pourquoi se mettre des attentes, des obligations? Pourquoi ne pas seulement écouter la pulsion et voir où cela nous mènera?

«Depuis des années, poursuit-elle, je ressentais une grande frustration parce que j'étais incapable d'expliquer ce que je ressentais à mes chums ou aux militants aux côtés de qui je m'étais engagée. Les gens se sentaient tout de suite visés, devenaient méprisants. J'ai donc écrit ce livre pour décortiquer et expliquer ma pensée.»

Accro aux institutions

Le texte de Catherine Dorion arrive en librairie au moment où les forces souverainistes nagent en plein psychodrame: Québec solidaire vient de refuser l'alliance proposée par le Parti québécois et les péquistes ne le digèrent tout simplement pas. Que pense-t-elle de cette crise qui secoue le mouvement indépendantiste? «Ils se sont organisés en institution et les institutions se font la guerre, mais au fond, les personnes qui sont à l'intérieur de ces partis ne souhaitent pas se chicaner, dit-elle. L'origine de la hargne, c'est le rapport d'attachement des membres à leurs institutions. Le parti était censé être un outil, et là, c'est devenu leur papa...

«Il y a deux ans, poursuit l'ex-candidate d'Option nationale, j'étais à l'origine d'un petit mouvement qui proposait une fusion d'ON avec Québec solidaire. Mais personne ne voulait rien entendre. Aujourd'hui, c'est de nouveau une possibilité et si cela se produisait, j'y retournerais peut-être.»

Des choix difficiles

Il n'y a pas de provocation dans la posture de Catherine Dorion. La jeune femme croit - et vit - les principes qu'elle défend. Même s'il y a un prix à assumer sa totale liberté.

«On vit dans un monde de mensonges et on a tellement intégré des façons de faire qu'on fait ces choses sans se demander : "Est-ce que c'est ça que je dois faire? Est-ce que c'est ce que je désire ?" Ensuite, il faut être capable de passer de la parole aux actes. C'est ce qui est le plus difficile.»

Peut-on être totalement libre aujourd'hui? Catherine Dorion croit que oui, même si, ajoute-t-elle, cela demande un entraînement constant. «Dans ma vie, j'ai essayé des choses qui n'étaient pas faciles. Quand je suis tombée enceinte de ma deuxième fille, mon amant (qui n'était pas le père de mon premier enfant) et moi étions d'accord pour faire un enfant ensemble en totale liberté. Mais après, la réaction des gens a été dure à prendre, j'étais jugée. Moi, je m'étais juste écoutée. C'était difficile, mais c'est ce qui m'a permis d'écrire ce livre. Il faut être capable d'agir en fonction de ce qu'on ressent à l'intérieur. C'est un entraînement, ça demande du courage, mais ça se fait. Ensuite, c'est tellement précieux et cool de ne pas être dans les attentes, les obligations... Je ne voudrais plus vivre autre chose.»

La jeune femme demeure convaincue qu'il y a moyen de vivre la même chose au sein d'un mouvement politique. «On le voit ailleurs dans le monde, assure-t-elle. Je fais partie sans trop le savoir d'un mouvement qui dit: il faut ramener les choses à ce qu'on ressent. Et ça n'a rien de new age, crois-moi.»

Catherine Dorion dit qu'elle a écrit ce livre pour rappeler aux gens l'importance de s'écouter, d'être en harmonie avec leurs sentiments et leurs envies. «Moi, je trouvais extrêmement souffrant de rester dans la norme, avoue-t-elle. J'étais tout le temps en lutte contre ça. Aujourd'hui, je sais que j'ai choisi le chemin le plus intéressant. Je veux me mesurer aux frontières et ressentir le choc de cette confrontation.»

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Les luttes fécondes - Libérer le désir en amour et en politique. Catherine Dorion. Atelier 10. 109 pages.

Image fournie par Atelier 10

Les luttes fécondes, de Catherine Dorion