Le premier roman de Graeme Simsion a été vendu à près de 2 millions d'exemplaires dans une quarantaine de pays. Sony Pictures lui a confié l'écriture du scénario et la suite, qui vient de paraître en français, était parmi les cinq livres préférés de Bill Gates l'an dernier. Pas étonnant que sa vie semble tout droit sortie d'un studio de Hollywood depuis quelque temps!

«Je m'excuse de mon accent australien», nous lance Graeme Simsion depuis Melbourne, où ce Néo-Zélandais de naissance habite depuis l'âge de 12 ans.

Après une brillante carrière de plus de 30 ans en technologie de l'information, l'auteur australien a définitivement mis de côté les algorithmes et le «data modelling» pour jongler avec les mots. Au départ, il travaillait sur un scénario de film, mais le projet a fini par se transformer en roman: Le théorème du homard était né.

Le théorème de la cigogne: l'effet Rosie (la suite du Théorème du homard), lui a permis de renouer avec son personnage fétiche, Don Tillman, un professeur de génétique qui n'est pas «comme la moyenne des gens».

La suite n'était pas prévue, précise Graeme Simsion. Mais après la publication du premier roman, il n'en avait pas fini avec Don. «En plus, certaines personnes avaient trouvé que la fin du Théorème du homard était irréaliste parce qu'à leur avis, Don aurait eu trop de difficultés à gérer la vie de couple. J'ai donc voulu explorer la question.»

Dans Le théorème de la cigogne: l'effet Rosie, Don et sa femme ont quitté Melbourne pour habiter à New York. Pourquoi la grosse pomme? Parce que c'est une ville emblématique des comédies romantiques, explique l'auteur. «On a juste à penser à When Harry Met Sally ou Annie Hall...»

Même s'il n'est pas un adepte du genre, Graeme Simsion a créé de toutes pièces une véritable comédie romantique. Dans Le théorème du homard, Don avait remédié de façon hilarante à ce qu'il surnomme son «Problème Épouse». Le théorème de la cigogne lui pose un nouveau défi: il doit lancer «l'Opération Bébé», au risque de perdre la femme qu'il aime.

Tout n'est pas rose pour le pauvre Don avec qui on compatit dans ses déboires conjugaux. Même en couple, l'excentrique professeur d'université et chercheur n'a pas perdu l'habitude de tout comptabiliser, mesurer, programmer. Au bout de 10 mois et 10 jours de mariage, il se dit encore en phase d'adaptation à son «statut d'élément d'un couple». Ses difficultés à comprendre les subtilités du langage, l'ironie comme les métaphores, nous font rire à gorge déployée tandis que l'auteur s'amuse avec un plaisir palpable à exploiter ces malentendus cocasses.

Fréquemment comparé à Rain Man, Don lutte pour convaincre les autres qu'il se situe «dans le champ normal de la compétence sociale». Mais est-il trop différent pour être père?

Une inspiration directe

Ce n'est sûrement pas par hasard que Don nous semble si vrai. Des gens comme lui, l'auteur en a fréquenté beaucoup au cours de sa carrière - informaticiens, mathématiciens, physiciens... Mais c'est un ami en particulier qui l'a inspiré, et le premier livre lui est d'ailleurs dédié. Le personnage a toutefois évolué suffisamment pour qu'il ne se reconnaisse pas tout à fait.

Même s'il est question d'autisme et du syndrome d'Asperger à quelques reprises dans les deux romans, à aucun moment Graeme Simsion ne pose de diagnostic sur Don. «Les personnes qui ont inspiré le personnage n'ont jamais reçu de diagnostic parce qu'à l'époque le syndrome d'Asperger n'était pas encore connu. En plus, si j'avais introduit l'idée qu'il était atteint de ce syndrome, tout le monde aurait voulu parler de cet aspect plutôt que l'individu lui-même. Don est une bonne personne qui a ses propres forces.

«Beaucoup de mes lectrices m'ont reproché de ne pas avoir accordé assez d'importance à Rosie dans la suite, ajoute Graeme Simsion. Bien que les deux livres aient un lectorat majoritairement féminin, il ne s'agit pas de «chick lit» au sens classique du terme, puisqu'ils ont des protagonistes masculins. J'écris du point de vue d'un homme.»

Selon ses lectrices, tous les hommes ont d'ailleurs un peu de Don Tillman en eux. «Elles sont nombreuses à me dire qu'il ressemble à leur mari. Il est un genre de "über-mâle"» en quelque sorte», dit l'auteur.

Quand il écrit, Graeme Simsion se met dans la peau de son personnage et sent d'instinct comment il réagira. Par chance, sa femme, Anne Buist, est elle aussi écrivaine... en plus d'avoir consacré sa vie à la psychiatrie. Les deux auteurs écrivent côte à côte dans la même pièce, se lisent mutuellement et partagent de fructueuses discussions autour de chaque repas. «C'est très motivant», admet-il.

Si tout se déroule comme prévu, Sony Pictures portera l'histoire de Don et Rosie au grand écran d'ici l'an prochain. Peut-on s'attendre à un troisième livre sur ce couple désormais notoire? Pas avant quelques années, répond Graeme Simsion, lorsque leur enfant aura 7 ans, par exemple, parce qu'il serait intéressant de cerner les défis qu'aurait à affronter Don en tant que père.

L'auteur australien peaufine pour l'instant une nouvelle comédie romantique où la romance est confrontée à la réalité avec les retrouvailles, 22 ans plus tard, de deux anciens amoureux. Cette fois-ci, il y aura beaucoup de musique dans le roman, promet-il, puisque l'un des deux protagonistes est un pianiste populaire. Une histoire à suivre.

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Le théorème de la cigogne: l'effet Rosie. Graeme Simsion. Traduit par Odile Demange. NiL éditions, 493 pages.