Grosse année - encore! - pour le conteur Fred Pellerin: deux Félix pour son plus récent conte, tournée en Europe et au Québec, remise de l'insigne de chevalier de l'Ordre national du Québec, entrée dans le Petit Robert 2014, exposition de sculptures inspirées des personnages de ses contes, lancement de son cinquième livre-CD, annonce de supplémentaires, conte avec l'OSM pour Noël... Une entrevue, avec ça?

Comment résumes-tu cette année?

C'est drôle, parce que je suis en train de répondre à un questionnaire pour l'émission Plus on est de fous, plus on lit! [Ici Radio-Canada Première], et on me demande: «Quels sont les honneurs que vous aimeriez recevoir?» Ben là, des honneurs, j'en ai reçu «un siau pis une barge», cette année, je sais plus trop quoi demander! La prochaine étape, je pense que c'est d'être «légendifié», mais pour ça, faut que tu sois mort au préalable. Faque je vas laisser faire!

Tu sors un cinquième livre-CD. Comment procèdes-tu?

Pour mon premier spectacle, j'avais pas de livre, pas de CD, j'avais rien. La première affaire que je sais, c'est qu'un éditeur m'appelle: «Veux-tu faire un livre?» Alors, j'ai écrit le spectacle que j'étais en train de faire depuis un an.

Cette manière-là est devenue un processus de création: je bâtis une structure de conte, je le conte, je le conte, je le conte, pis là, cette structure-là se déploie pendant 115, 120 représentations, elle s'ouvre, elle s'invente des parenthèses, elle fait des kystes, elle fait des bourrelets!

À un moment donné, je me mets à trier là-dedans: il y a des pentures qui marchent mieux que d'autres, pis j'ai pas besoin d'en mettre quatre par porte! Ensuite, je peux passer à l'écrit. Pour De peigne et de misère, j'avais un mois de représentations à Paris, en juin, et j'écrivais le livre le soir.

Qu'est-ce qui a changé depuis Belle Lurette, dans tes livres-CD (vendus à plus de 250 000 exemplaires)?

Dans le ton, la livraison, c'est sûr que c'est différent. Quand je faisais Belle Lurette, je le faisais dans les épluchettes de blé d'Inde, dans des écoles secondaires, fallait que je gagne mon monde, que je gagne des oreilles, la livraison est donc stressée, tendue, explosive, je m'énarve moi-même quand je l'écoute. Astheure, c'est plus posé: ça fait une méchante différence que le monde paie leur billet pour venir t'écouter, assis dans une salle.

Tu vas avoir 37 ans dans quelques semaines, comment concilies-tu tout ce qui arrive?

Je suis chanceux: physiquement, je fais attention à rien, j'ai pas une affaire d'hygiène de vie, ou de crème ou de peau, pis je reste pareil. Mais je vieillis. J'ai trois enfants (de 8, 5 et 3 ans), ça te couche plus de bonne heure le soir! Avec le temps, je me suis créé une manière de travailler qui fait que, quand je suis à la maison, je peux être plus papa, pis quand je suis sur la route, je travaille, travaille, travaille.

Les deux derniers livres que j'ai écrits, c'était pendant la tournée. J'ai pas ouvert le laptop chez nous une seule fois. Même que j'en ai pu chez nous. J'ai acheté la maison d'à côté, c'est un bureau pour les projets artistiques, c'est là qu'il est, le laptop.

Là, je commence à avoir de nouvelles idées de conte. J'étais convaincu que je ne pouvais pu rien écrire après De peigne... L'arracheuse de temps m'avait fait le même sentiment. Pis là, finalement, je suis en train de bâtir une nouvelle histoire.

En plus, j'ai la chance, maintenant, d'aller toucher d'autres formes, d'entrer, par la petite porte du conte, dans d'autres pièces, qui vont de l'orchestre symphonique au cinéma, d'un poème pour une revue à la chanson, plein d'autres choses. Ça entretient le plaisir.

Il y a deux pages de remerciements dans De peigne et de misère. Qui sont tous ces gens?

D'abord, les enfants du vrai Méo Bellemare le coiffeur. Ensuite, c'est tous les coauteurs du conte: tous ces gens qui m'ont dit un mot, une phrase, une idée que j'ai utilisés, je les remercie. Tu comprends, il y a comme une dette. J'ai été habitué tôt à la dette, je conte les histoires d'un village, j'ai une dette envers les gens du village, je pique leurs histoires! Les mercis, c'est ma façon de rembourser ma dette. Ça prend ben du monde pour faire un conte...»

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Fred Pellerin, De peigne et de misère, livre-CD, en librairie mardi. Supplémentaires à la PDA les 10 et 12 avril 2014. Le bossu symphonique avec l'OSM à la Maison symphonique, du 16 au 19 décembre.