Prenez un jeune crétin violent, criminel sans envergure et à la sexualité détraquée. Faites-le gagner à la loto une fortune colossale. Observez le résultat. Le toujours provocateur Martin Amis en fait l'expérience dans Lionel Asbo, l'état de l'Angleterre, roman grinçant qui fait rire, oui, mais souvent jaune.

À 21 ans, Lionel est le tuteur de son neveu Des, 15 ans, qu'on découvre écrivant au courrier du coeur d'un tabloïd. Le sujet de son tourment : il couche avec sa mamie, qui a tout juste 39 ans. (On fait très jeunes des enfants dans la cité de Diston. On y meurt jeune aussi «entre le Bénin et Djibouti» pour l'espérance de vie...) À tout moment, on craint que Lionel ne découvre la vérité tandis que le sage Des observe les frasques de son oncle, entre deux séjours en prison.

Poussée à ce point, la satire donne froid dans le dos. Violence, vulgarité, cynisme, célébrité instantanée, argent entre les mains de brutes amorales. Si c'est cela, l'état de l'Angleterre, on comprend qu'Amis vive maintenant à New York, mais aussi que sa vision sinistre dépasse les frontières de la (pas si) fière Albion.

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Lionel Asbo, l'état de l'Angleterre, Martin Amis, Gallimard, 384 pages.